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des Français, en fortifiant sur sa gauche la ligne de la Serre. Mais, d’autre part, il y avait sur une grande partie du front de l’armée, entre ses lignes et les lignes britanniques, un No man’s land si étendu (il atteignait par endroits un kilomètre) qu’on pouvait considérer comme impossible l’entreprise d’une attaque qui aurait à traverser d’abord ce vaste espace.

Plaçons-nous, pour suivre l’action, au quartier général du 18e corps, sur la haute Somme, à Ham. Le corps tenait ce qu’on peut appeler le front de Saint-Quentin, depuis Grécourt (inclus) au Nord jusque devant Rancourt au Sud. Il avait relevé le 3e corps français, au milieu de janvier 1918. Il avait en ligne trois divisions : la 36e, dont le quartier général était à Ollezy ; la 30e, à Dury, et la 61e à Forest. Une semaine environ avant l’attaque, la 20e division était venue en réserve et elle avait son quartier général à Ham même. Depuis quelques jours, les prisonniers allemands annonçaient une attaque générale pour la nuit du 20 au 21. Ils ne connaissaient pas l’heure ; ils savaient seulement que l’assaut aurait lieu assez tard dans la nuit. Le mercredi 20, l’artillerie britannique tonnait avec violence. Depuis deux jours, elle avait pris pour règle de bombarder à heure fixe les transports ennemis dans Saint-Quentin. Ce soir-là, on décida de faire tirer pendant une heure, au début de la nuit, de grosses pièces qui ne s’étaient pas encore démasquées ; après quoi on changerait immédiatement leurs emplacemens. Au lieu de répondre, l’artillerie allemande, à partir de six heures, garda un silence surprenant, un silence impressionnant, disent les témoins. Mais tout à coup, à quatre heures du matin, rompant ce silence, elle commença brusquement un bombardement formidable. Elle tirait surtout sur les lignes. Les quartiers généraux furent relativement peu atteints. Ham ne fut pas visé ; Ollezy ne reçut rien ; Forest reçut des obus sans excès ; Dury seulement fut bombardé à fond.

Depuis trois jours un épais brouillard couvrait le pays pendant la matinée. Le même temps persista deux jours après l’attaque. Ce brouillard permit aux Allemands de franchir le No man’s land et d’arriver aux lignes sans être vus. Cependant les nouvelles à dix heures du matin étaient encore bonnes ; on ne signalait pas d’attaque d’infanterie. C’est à ce moment que l’ennemi se porta à l’assaut. Son tir de préparation avait coupé toutes les communications téléphoniques et télégraphiques. Le