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roïstes et comment ce retour à la science expérimentale de Paris en réaction contre les idées préconçues et routinières avait contribué à faire de lui un des principaux promoteurs de la Renaissance,

Duhem a accompli là en savant et documens en mains ce travail passionnant que d’autres ont tenté ailleurs de réaliser par l’imagination et par le roman pour le Vinci même ou pour Shakspeare : pénétrer dans le secret d’une âme puissante, en scruter les moteurs et les rouages, assister à la formation, à la fécondation du génie. Nombreux et divers sont les sujets qu’il a abordés ainsi à la suite de Léonard ; la sphéricité de la terre, l’équilibre des mers, le centre de gravité, les mouvemens accélérés, les principes de l’hydrostatique et de la cinématique, la balistique, le levier et le treuil, la composition des forces concourantes, la loi de la chute des corps, la résistance des matériaux, le problème des deux infinis, la pluralité des mondes, la géologie et la paléontologie, etc. Entre tant de sujets captivans, forcés de nous borner, nous n’en choisirons qu’un qui complétera ce que nous avons dit plus haut sur l’enchaînement rationnel de certaines erreurs cosmogoniques et sur la réaction de l’esprit critique : la pluralité des mondes.

Quel est le problème posé à ce sujet ? avec nos idées modernes nous avons d’abord quelque peine à le comprendre. Nous nous représentons l’Univers peuplé de systèmes solaires analogues au nôtre, dispersés dans l’espace en nombre infini ; notre raison n’imagine aucune limite possible à cette multiplicité d’astres innombrables, aucune borne au delà de laquelle il puisse y avoir autre chose que des astres semblables. Nous sommes instinctivement pénétrés de cette unilé. Dans le noir d’une nuit constellée, nous supposons à tort ou à raison qu’un rayon lancé dans une direction quelconque suffisamment loin aurait partout chance de rencontrer une étoile ; et, si nous concevons la possibilité d’un autre univers séparé du nôtre par des espaces immenses de vide, insaisissable par là à nos observations, c’est uniquement comme on peut se représenter deux nébuleuses disjointes, deux lloconsde brume suspendus dans le même ciel d’été. À tous ces atomes de matière que nous appelons des soleils, nous appliquons, par une généralisation hardie, les lois de l’attraction, et il nous semble qu’ils sont tous reliés les uns aux autres, fût-ce aux distances les plus infranchissables, par