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origines thermo-dynamiques lui font attribuer à la température et à la chaleur, un peu comme les dynamistes ne considéraient que des déplacemens dans l’espace, ou comme la chimie de Lavoisier a mis toute sa confiance dans la balance. L’Énergétique prétend éviter toute hypothèse, et l’on n’échappe pas à l’hypothèse dès qu’on affirme quoi que ce soit, fût-ce l’impossibilité de mener plusieurs parallèles à une droite par un point. Mais cette restriction est ici de peu d’importance et, dans le domaine expérimental, la supériorité de l’Énergétique est incontestable par le fait seul qu’elle envisage une série de phénomènes jusque-là négligés, les remet à leur place et les coordonne. Son programme, très vaste et très complexe, embrasse non plus seulement des changemens de lieu, mais les changemens d’état quelconques étudiés par la physique et par la chimie : dilatations et contractions qui modifient la densité ; fusions et vaporisations qui changent l’état physique ; dissolutions qui mélangent les élémens sans les combiner ; réactions qui, au contraire, les combinent ou dissocient leurs composés ; phénomènes de toute sorte qui modifient l’électrisation ou l’aimantation, etc. L’ancienne mécanique n’est alors qu’une énergétique sans changement d’état autre que les déplacemens et sans dégagement de chaleur.

Prenons un exemple. On chauffe un mélange de sels en dissolution en présence d’un excès des mêmes sels ; il va se produire à la fois des élévations de température, des réactions chimiques, des dissolutions, des vaporisations, des courans électriques, etc., et toutes ces modifications sont solidaires et toutes sont influencées par des actions de viscosité retardatrices, où intervient la notion de temps. Ne considérer qu’un seul de ces phénomènes isolément, c’est agir comme les aveugles de la fable indoue qui, ayant palpé un éléphant, prétendaient le décrire. Alors l’un, qui avait saisi la trompe, la comparait à une liane flexible ; celui qui avait pris une jambe assimilait l’animal au tronc rugueux d’un palmier et celui qui avait touché une défense imaginait toute la bète pareille à une colonne d’agate. Pour agir en voyans scientifiques, il faut, au contraire, apprécier à la fois des énergies de natures très diverses, mécanique, calorifique, électrique, chimique, radiante, et la difficulté est de ne pas en oublier ; car chacune d’elles représente une variable nécessaire dans les équations d’équilibre. Chacun sait aujour-