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Mimouche l’a-t-elle fixé ? Il le lui a demandé :


A votre tour, essayez ma maîtresse,
Et faites-moi, jusqu’au tombeau,
D’une douce et vieille tendresse
Un impromptu toujours nouveau.


Mais on ne fixe pas Musset : en même temps qu’il adresse ces vers à sa « poupette, » il lui écrit paisiblement : « Te portes-tu mieux ? Je suis pour ma part un peu invalide, et toujours gai comme un catafalque. Il faut pourtant essayer de vivre, ma chère amie, malgré tout, et si tu me donnais l’exemple, tu m’encouragerais. Je t’embrasse. » Que l’on compare la froideur de ce billet aux folies adressées jadis à Lélia. D’ailleurs, à cette heure, Rachel l’occupe, et la pâle Belgiojoso parfois le tourmente…

Quand F. Buloz est nommé commissaire royal, Musset l’annonce à Mimouche : « Tu sais que Buloz est nommé aux Français. Il est donc décidé que nous allons tenter le saut périlleux, » — ce qui veut dire qu’il compte, avec l’appui de son ami, aborder la scène, — il l’a résolu, et l’affirme au commissaire royal. « Quant au parti pour le théâtre, à tort ou à raison, il est pris, à tel point que rien ne m’en détournera maintenant. » Et il songe à travailler pour Rachel, mais il ne finit rien, et Rachel est volage, et le temps passe. Ce n’est qu’en 1847 que F. Buloz prendra sur lui de monter le Caprice, et l’annoncera à Musset surpris…

Mais il est temps de parler, à cette époque de la vie de Musset, de la « Belle Joyeuse ; » cette belle dame eut souvent allaire aussi à la Revue ; elle y tint même une certaine place comme collaboratrice, — et comme conspiratrice, — car F. Buloz estima son côté carboniera, aimant l’Italie ; elle fut aussi inspiratrice : on sait qu’elle inspira Musset, dans un moment de mauvaise humeur -et de vengeance. « Elle lui résistait, et il imprima sur son front ces Stances à une morte, » qui firent à cette époque, dans le petit cénacle de la Revue, tant jaser.

Donc, la princesse lui fut cruelle ; il ne s’y attendait guère, car Mignet était jaloux de lui, et c’était un signe excellent ; puis, le poète n’avait-il pas emmené la belle Christina déjeuner un jour au Cabaret du Divorce, barrière Montparnasse ? Mais « quelqu’un troubla la fête, et ce fut le mari, bien