Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 44.djvu/947

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

notamment par nos ennemis mêmes. Le général allemand Rohne, qui est un spécialiste depuis longtemps connu des questions d’artillerie, vient en effet de publier dans la Gazette de Voss quelques données techniques sur le bombardement de Paris, qui confirment nettement l’hypothèse précédente, laquelle est dès maintenant admise par la plupart des spécialistes.

Théoriquement, la hauteur maxima de la trajectoire correspondant à une portée de 120 kilomètres doit être de 30 kilomètres. Telle doit être à peu près l’altitude atteinte par la trajectoire réelle qui nous intéresse, et dont la longueur, voisine de 200 kilomètres, se déroule, pour la plus grande partie, dans un air très raréfié.

Si l’on considère comme exacte la formule de Laplace qui indique la densité de l’air aux diverses altitudes (et elle n’est certainement vraie qu’en première approximation), on trouve que la résistance de l’air à 18 kilomètres de haut n’est même pas le centième de ce qu’elle est au niveau du sol, et à 30 kilomètres de haut, elle est au plus quinze cents fois plus faible que près du sol. L’obus qui nous vient de 120 kilomètres parcourt donc la plus grande partie de sa course dans un air dont la résistance et l’influence retardatrice sont pratiquement nulles. Calculer cette influence exactement doit être pratiquement impossible, car nous ne connaissons pas la loi exacte de décroissance de la densité de l’air à plusieurs dizaines de kilomètres au-dessus du sol. A ces hauteurs, d’ailleurs, la balistique est presque de l’astronomie.

L’important est donc que le projectile ait une vitesse initiale suffisante pour traverser très rapidement les couches basses de l’atmosphère et arriver aussi vite que possible dans celles où il suivra pratiquement la même trajectoire que dans le vide.

Nous manquons de données précises sur la vitesse initiale du canon de 380 qui bombarda Dunkerque. Est-elle plus près de 800 mètres à la seconde, comme certains l’ont dit, que de 900 mètres ? Adoptons, pour fixer les idées, une valeur intermédiaire de 850 mètres, qui est voisine de la vitesse initiale des gros canons des derniers cuirassés anglais construits avant la guerre. La portée théorique serait dans ces conditions de 72 kilomètres. Elle est réellement de plus de la moitié.

Si on augmente la vitesse initiale, la résistance de l’air au départ et à l’arrivée sera augmentée ; mais en revanche, elle sera fort diminuée, dans la partie la plus longue et la plus élevée de la trajectoire. Admettons en première approximation et pour simplifier, que ces deux actions se compensent à peu près ; et que la portée réelle soit