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l’on réussirait le plus difficilement à le forcer. Enfin, il se mit à négocier pour gagner du temps, et employa le temps ainsi gagné à lever des troupes, afin de recommencer la guerre quand il se sentirait, de nouveau, le plus fort.

Comment être le plus fort ? En s’ assurant du concours des Français. Et comment gagner du temps? En persuadant à ses ennemis qu’ils n’avaient pas de meilleur ami que lui, et qu’ils n’étaient séparés que par des malentendus. Les Confédérés de la Magione étaient, d’ailleurs, trop nombreux pour être également irréconciliables et également avisés. Il y a, dans toute coalition, des éléraens plus ou moins résistans. Et puis, qui dit « coalition » dit « composé, » et le propre d’un corps composé, c’est de pouvoir être désuni. César poursuivit donc ce double but : dissocier ses ennemis et s’associer lui-même plus étroitement encore avec le roi de France. Au reste, c’était la même chose, ceci étant la condition de cela. Du jour où les Confédérés seraient bien persuadés que les lances françaises viendraient au secours de Borgia, la coalition, ou tout au moins quelques-uns de ses élémens, faibliraient.

C’est ce qui advint. Au premier appel de « César Borgia de France, duc de Valentinois, » Louis XII donna l’ordre au seigneur de Chaumont (Charles d’Amboise) d’envoyer 400 lances, c’est-à-dire 400 hommes d’armes avec leurs gens, à la rescousse de César, et de ne rien négliger pour rétablir ses affaires. Plus tard, devaient suivre des Gascons ; enfin, 3 000 Suisses consentaient à passer a sa solde.

Dès ce moment, on pouvait négocier. Les Confédérés, qui ne craignaient pas de se trouver en présence des troupes de César, — ils venaient de le prouver à Calmazzo, — ne se souciaient guère d’engager la lutte avec la France. Le souvenir de Fornoue dominait toujours la politique italienne. Il était donc désormais possible de défaire la trame ourdie à la Magione. Alexandre VI et César s’appliquèrent assidûment à ce travail de parfilage. Ils s’attaquèrent, d’abord, au lien le plus faible, à Pagolo Orsini, « come cervello di non grande levatura, » dit un historien, et lui persuadèrent de venir trouver César à Imola. En retour et en otage, on remettait le cardinal Borgia, neveu du Pape, entre les mains des Orsini. César reçut Pagolo à merveille et lui tint les discours les plus flatteurs : il reconnaissait qu’il avait peut-être eu des torts, que sa puis-