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toute simple de ma part, et que si, maintenant ou plus tard, on vous adressait quelques questions à ce sujet, vous voudriez bien répondre que mon intention était de me battre, et que j’ai été prévenu. Si vous voulez me rendre service, vous ajouterez même que je regarderais comme une insulte, aussi grave pour Mme Sand que pour moi, qu’on parût douter de ma détermination à cet égard, et qu’il me serait impossible de le souffrir, quelle que fût la personne qui le soutiendrait.

« A vous de cœur.

« ALFRED DE MUSSET [1]. »


En vérité, cette histoire est épique. Elle transforma en haine l’animosité de Musset pour Planche, animosité d’où sont nés ces quatre vers atroces :


Par propreté laissons à l’aise
Mordre cet animal rampant.
En croyant frapper un serpent
N’écrasons pas une punaise !


Et Planche se battit avec Capo de Feuillide... D’ailleurs, ce duel, — où F. Buloz fut l’un des témoins (assistant Planche), — ne fit pas couler de sang : il fit plutôt naître des chansons. On trouvera dans la Véritable histoire d’elle et lui, par Spoelberch de Lovenjoul, la « complainte » de Musset qui résume de façon plaisante toute cette ridicule aventure.

A la suite du duel, dont la presse se divertit fort, le Petit Poucet raisonna ainsi : « Si Lélia est de M. Sand, je ne sais trop à quel titre M. Planche s’est constitué le bravo, le majo de cet écrivain, A moins que M. Sand ne soit impotent ou cul-de-jatte, la conduite de M. Planche est incompréhensible. Si M. Sand est une femme, ce dont il est permis de douter en lisant Lélia, ce rêve de dévergondage et de cynisme, cette femme doit savoir peu de gré à M. Planche de l’avoir compromise par une démarche, beaucoup moins chevaleresque qu’inconséquente et irréfléchie [2]. »

Battez-vous donc pour vos amis !

  1. Inédite. La lettre porte en première page cette seule date : 1833.
  2. Le Petit Poucet, 1er septembre 1833.