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d’Italie. Quant au Spectacle dans un fauteuil, il l’apprécie encore moins. Ah ! c’est un critique sévère, ce J. S.) « M. de Musset devait s’attendre à trouver des juges, » et voici ce que dit ce juge : « M. de Musset, à nos yeux, n’est qu’un poète médiocre. » Après cette sentence, le pauvre poète médiocre doit subir encore quelques assauts ; et d’abord il imite Byron, c’est une imitation « assidue et persévérante. » Tout en critiquant, J. S. parle des « poèmes » de M. de Musset ; puis il s’arrête, et dédaigneusement : « C’est, je crois, le nom qu’on donne à ces compositions ? » Et il les traite plus loin de « poésie rocailleuse qui ressemble furieusement à de la mauvaise prose. » Bref, il n’aperçoit aucun salut pour le poète, hors du genre descriptif, « le genre descriptif de l’abbé Delille ! Non canimus surdis.» Et il termine en conseillant à la Muse de M. de Musset, qui n’a plus « qu’un reste de fraîcheur, » le voyage d’Italie [1].

Le plus piquant, c’est que ce J. S. est Jules Sandeau.

Cependant F. Buloz, toujours à la recherche des jeunes, et du génie des jeunes, avait suivi le poète depuis ses débuts, et lu le Spectacle dans un fauteuil : le livre lui plut. Il faut dire qu’il contenait : A quoi rêvent les jeunes filles, et Namouna.

« Il y avait quelqu’un, dit Emile Montégut, qui avait lu ce livre avec admiration, quelqu’un qui, pour avoir une opinion, n’attendait pas que le voisin la lui apportât. » Et l’opinion de la Revue fut celle de Sainte-Beuve, qui prononça : « Le Spectacle dans un fauteuil, que M. de Musset vient de publier, classe définitivement son auteur parmi les plus vigoureux artistes de ce temps. » Il trouve encore que « ces vers sont d’une telle qualité poétique que bien « des gens de mérite « arrivés à l’Académie (M, Delavigne, si l’on veut) n’en ont « peut-être jamais fait de ce ton [2]. » Pauvre M. Delavigne ! La louange, — cette louange-ci surtout, — fut douce au cœur du poète, et lorsque F. Buloz lui écrivit pour lui demander sa collaboration à la Revue, sa réponse fut André del Sarto, Henri Blaze remarque que c’est au plein de sa « défection romantique » que Musset apporta à Buloz son drame d’André del Sarto ; et il est assez plaisant, en effet, de noter que la Revue, créée au début du romantisme, presque sous sa protection,

  1. Les Débats, 28 juillet 1833.
  2. 15 janvier 1833.