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un secours de Robespierre jeune, en mission dans la région. À Saint-Remy, où se trouve le château familial, il assiste à la vente aux enchères du mobilier de ses parens : il s’est assis à côté du crieur public et crie avec lui. Au reste, d’instruction, point : il lit avec passion le Voyage d’Anacharsis et les Mille et une Nuits ; après thermidor seulement, fixé à Paris, il est confié à un précepteur, le citoyen Guillobé, qui conduit assidûment son élève aux séances de la Convention, De cette éducation privée, — « privée est le mot et le jeu de mots, remarque le duc de Broglie, car Dieu sait ce qui lui manquait ! » — l’enfant a conservé le souvenir des fêtes champêtres des environs de Paris où le mène son Mentor ; il y est très frappé par la rencontre de Mme Tallien, à demi nue. Puis se place, en 1800, un voyage à travers la Vendée, toujours en compagnie de Guillobé, lequel semble comprendre sa tâche au mieux de son propre divertissement : enfin c’est l’École centrale des Quatre Nations et l’Ecole des mines dont les cours sont libres : entre qui passe, écoute qui veut ; les professeurs n’exercent aucune autorité sur leurs auditeurs qu’ils ne paraissent pas connaître, et ainsi le duc de Broglie s’achemine vers le Conseil d’État, dont il fera partie en 1809[1], s’étant imposé, tout de même, pour y parvenir, plus de peines que Cormenin, admis d’emblée auditeur du même docte corps pour avoir écrit une ode aux Nymphes de Blandus[2].

Montbel, ministre de Charles X, a commencé ses études à Toulouse, chez Mme Gach, vieille bonne femme qui avait élevé plusieurs générations d’enfans et qui frémissait d’horreur en faisant réciter les Droits de l’Homme aux marmots de son petit établissement ; de là, il passe, à l’automne de 1794, chez un ecclésiastique bossu, assisté dans sa mission pédagogique par un acolyte au regard torve qui montrait aux élèves à enluminer des gravures illustrant les Métamorphoses d’Ovide. Cette étape parcourue, Montbel est confié à M. Ponthier, directeur d’une importante pension, où il est fouetté consciencieusement et où il se prend de passion pour les arts : l’abbé Prax lui enseigne le chant ; M. Ducreux lui apprend le dessin ; M, Labadens est son maître de violon ; mais l’établissement est fermé par le Directoire, comme employant des ci-devant ecclésiastiques,

  1. Souvenirs du feu duc de Broglie, de l’Académie française. 1785-1870.
  2. Maxime Du Camp, Souvenirs littéraires. I, 87.