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et qui atteignent leur seizième année, ceux aussi qui, dans le même intervalle, auraient dû accomplir ou terminer leur éducation, vous demandent de les arracher à l’ignorance qui menace le reste de leurs jours[1]. » Il n’y a plus d’Universités, il n’y a plus de collèges, plus d’écoles, plus de maîtres, plus d’élèves ; la Révolution a fait « table rase » des institutions glorieuses du passé et n’a pas réussi à édifier sur ces ruines.

Comment un si grand malheur put-il se produire ? Par le concours empressé d’hommes intelligens, probes, instruits, soucieux de faire le bien, aimant leur pays et comprenant la grandeur et la gravité de leur tâche ; individuellement des sages, des prudens et des circonspects, mais qui, réunis, livrèrent assaut à se surpasser, à s’éblouir les uns les autres. C’est alors que, pour mieux y réussir, ils écoutèrent la voix perfide de la fée Utopie qui d’abord exerça ses ravages. Il était bien entendu qu’on était assemblé pour instituer l’âge d’or : afin de n’être point gêné pendant la besogne, il fallait balayer ce qui encombrait le terrain et, pour début, on supprime dîmes, redevances et autres abus féodaux, y compris les rentes dont vivent les vieux collèges, les bourses six fois centenaires, les allocations provenant de fondations ou de legs et servant à l’entretien des professeurs. Avec les biens du clergé, mis à la disposition de la nation, sont supprimés les nombreux ordres qui tiennent écoles et donnent l’instruction au peuple. Quelques-uns essayent de poursuivre leur œuvre charitable ; la constitution civile leur porte le coup suprême : les congrégations se dispersent, les maîtres se cachent ou s’exilent. Ainsi se trouve « pulvérisée » cette accumulation de rentes et d’immeubles dont la générosité d’une longue lignée de bienfaiteurs avait constitué pour l’instruction publique « un véritable budget, plus opulent que ne le fut jamais le budget spécial réservé par l’État a ce service[2]. » La place est nette maintenant ; rien n’embarrasse plus les ouvriers ; il est urgent de construire. Mais l’utopie fait des siennes : tous veulent que le monument soit parfait et définitif ; chacun apporte son plan et son devis. On a publié les procès-verbaux du Comité d’instruction publique de la Convention[3] ; on ne sait ce dont on doit le

  1. Moniteur, réimpression, XXVIII, 137, 138.
  2. Victor Pierre, L’école sous la Révolution, p. 23.
  3. Publication faite par James Guillaume. Imprimerie nationale, 1891 et suiv.