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près des trois quarts des blessures, et s’il n’arrêtait que la moitié des éclats, il éviterait encore plus du tiers du nombre total des blessures.

C’est de ces considérations, plus ou moins inconsciemment formulées, que sont nés les moyens de protection aujourd’hui en voie d’être généralisés dans toutes les armées belligérantes, d’abord le casque, puis les cuirasses. Je parlerai d’abord du casque parce qu’il a vu d’abord le jour, et parce que les résultats obtenus avec lui dans toutes les armées sont assez nombreux et convaincans pour échapper à toute discussion.


L’inventeur de notre casque pare-éclats, qui a été depuis adopté ou imité par tous nos Alliés et aussi par l’ennemi, est l’Intendant général Adrian. C’est une des plus belles intelligences de notre armée, et le pays lui doit nombre d’inventions militaires qu’il a su avec une habile ténacité mettre au point et généraliser.

Dès la fin 1914, l’Intendant général Adrian, préoccupé de diminuer les blessures très nombreuses de la tête par projectiles à faible vitesse, avait conçu et exécuté une calotte métallique protectrice. Il avait été guidé dans sa conception d’abord par divers faits dûment constatés sur le champ de bataille où des hommes avaient été sauvés notamment par leur gamelle. Ensuite (il me l’a conté lui-même) par des réminiscences historiques. Il s’était souvenu de la calotte appelée « secrète » que les duellistes du XVIe siècle cousaient fréquemment dans leur chapeau, et qui les préservait des coups de taille qui leur eussent fendu la tête. La calotte Adrian, très analogue à la secrète, et qui devait s’insérer dans le képi entre la coiffe et le bandeau, fut expérimentée dès décembre 1914. On constata notamment que, lors d’un tir d’expérience de shrapnells français, la calotte arrêtait 60 p. 100 des coups. Dès février 1915, des centaines de mille de calottes furent mises en service. Elles avaient 0°mm,5 d’épaisseur et étaient faites en tôle d’acier.

Une intéressante communication faite sur ce sujet à l’Académie de Médecine par le professeur Le Dentu, d’après les constatations des ambulances de l’avant, établit que la calotte Adrian avait empêché ou atténué un grand nombre de blessures du crâne.

Pourtant, le soldat avait, il faut le reconnaître, une certaine répugnance à s’en servir ; d’abord sans doute parce qu’il n’était pas encore convaincu alors de l’utilité d’une protection blindée contre les éclats, et aussi parce que l’exact ajustement de la calotte au crâne de chacun