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pas l’athéisme simple, mais l’athéisme professé. M. Littré n’a pas seulement le malheur d’être athée ; c’est un professeur d’athéisme, un professeur de matérialisme, faisant de ces malheureuses doctrines la base de toutes les sciences, le point de départ de la rénovation sociale ; n’hésitant pas à écrire que les sciences ne seront complètes que « quand elles auront définitivement soustrait l’ensemble des choses aussi bien à la métaphysique qu’à la théologie. Ainsi la science, ajoutait-il, c’est la seule arme par laquelle le socialisme s’intronisera dans le monde moderne. » Au même chapitre, il dit encore : « Tous ceux qui veulent que la Révolution s’arrête ou recule, sont contraires au socialisme ; tous ceux qui veulent que la Révolution arrive à son terme, lui sont favorables. » Non, c’est ici une surprise. On ignore ce qu’on fait, on ne veut pas faire ce qu’on fait ; ce qu’on fait n’est pas possible : il y a un moyen à trouver pour ne pas le faire. Divisés sur tant de points, nous avons au moins une foi commune en Dieu et en l’âme et des devoirs communs envers les lettres, la société française, la jeunesse, la postérité. N’excluons pas, si vous voulez, ce qui n’attriste que quelques-uns ; mais écartons du moins ce qui nous blesse tous, ce qui blesse notre corps et nos devoirs, à savoir : l’athéisme déclaré, le matérialisme professé et au moment d’être couronné.

« Vainement dit-on : « C’est l’honnête homme et le philologue que nous nommons ; ce n’est pas l’athée. » Cette distinction n’est pas possible. Il est impossible ici de scinder l’écrivain en deux, et en nommant l’un, de faire abstraction de l’autre. L’un, l’impossible, est le seul vraiment connu, tristement célèbre même dans toute la jeunesse des écoles.

« Cette abstraction, on ne se la permettrait pas, quel que fût le mérite littéraire d’un écrivain, s’il ne s’agissait que d’un tort de l’ordre vulgaire, mais laissant une tache. Vous permettrez à un évêque de ne pas croire que l’athéisme et le matérialisme professés ne soient pas un malheur public, dont il est impossible de faire abstraction.

« L’opinion publique ne le fera pas. Aussi, impossible en nommant M. Littré d’éviter un soulèvement de l’opinion publique, dont les conséquences peuvent être déplorables et ruiner tout ce qu’on a voulu et veut encore, en dehors de toute préoccupation de parti, pour le bien fondamental de ce pays-ci et pour l’avenir, s’il y en a un.