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n’en a pas une autre toute faite. » Le Flô ayant dit qu’en France on souhaitait l’alliance avec la Russie et que son gouvernement était prêt à en déterminer les charges, les avantages et les résultats, Nicolas répondit qu’en effet les deux pays avaient des intérêts communs et que leur alliance serait la meilleure garantie de l’ordre et de la paix.

« Personne, ajouta-t-il, ne bougera et ne pourra rien en Europe, tant que la France et la Russie seront unies et se donneront la main. »

Malheureusement, ce n’étaient là que des propos de lune de miel. Deux mois plus tard, la reconnaissance, tour à tour promise et retardée, était définitivement arrêtée par l’éventualité de l’élection de Louis Bonaparte à la présidence de la République. Le Flô protesta contre ce manquement à la parole donnée. Entre Nesselrode et lui des paroles très vives furent échangées, mais ses plaintes restèrent vaines, et, traité comme l’avaient été les agens de Louis-Philippe, il partit en congé sans avoir rien obtenu, quoiqu’on l’eût leurré de promesses et comblé de prévenances, ainsi qu’on l’avait fait avec eux. Rappelons en passant qu’il ne revint pas à son poste et n’y devait revenir que vingt-deux ans plus tard. A la nouvelle de l’élection de Bonaparte, il avait donné sa démission.

Durant les mois qui suivent, l’Empereur reste correct dans ses relations avec la France, mais défiant : le nom du prince-président n’est-il pas synonyme de guerre ? Mais, peu à peu, il se rassure, et le coup d’Etat de décembre achève de dissiper ses craintes. Il en cause, non sans enthousiasme, avec le général de Castelbajac, qui lui a été envoyé de Paris comme ambassadeur.

« Le prince-président, par tout ce qu’il vient de faire, mérite la reconnaissance de la France et de l’Europe entière. Il a vu la position mieux que les hommes d’Etat des deux derniers règnes, mieux que nous tous, et il suit exactement son programme politique, sans se laisser influencer par des ambitions vulgaires. Il se sera placé de plein saut, dans la politique européenne et dans l’Histoire, au-dessus de nous tous. »

Voilà un hommage qui assurément dépasse la mesure, mais dont on ne saurait s’étonner ; le coup d’Etat ne pouvait qu’être accueilli avec faveur par l’autocrate qui, en 1836, après l’attentat d’Alibaud contre Louis-Philippe, émettait l’avis que le