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sous les formes les plus capricieuses, tantôt aggravées par des procédés nettement discourtois, tantôt atténuées par des témoignages inattendus d’intérêt et même d’amitié. C’est ainsi, par exemple, que lorsque nos ambassadeurs successifs, le duc de Trévise, le maréchal Maison, le baron de Barante, ne peuvent obtenir de réponse à leurs demandes touchant les points les plus essentiels de leur mission, ils sont comblés d’attentions et de prévenances. Lorsque Louis-Philippe, à diverses reprises, échappe aux attentats dirigés contre sa personne, l’Empereur fait parvenir aux Tuileries les félicitations les plus affectueuses, ce qui ne l’empêche pas de se plaindre amèrement de l’esprit révolutionnaire qui règne en France, d’accuser le Roi de ne rien faire pour l’empêcher de se développer.

Dans une autre circonstance, aux grandes manœuvres de Tsarskoé-Selo, il distingue parmi les officiers étrangers le vicomte de Quinemont, attaché militaire à la légation de France à Copenhague. Après un exercice d’artillerie, il galope vers lui et l’apostrophe en ces termes :

« Eh bien ! mon camarade, comment trouvez-vous cela ? J’espère que ces pièces-là ne tireront jamais contre des pièces françaises. Dieu nous préserve de la guerre ; mais si, par malheur, nous l’avions, je voudrais voir les Français et les Russes marcher ensemble ; rien ne tiendrait contre nos deux armées. »

Voilà des propos bien faits pour flatter l’orgueil français et que celui à qui ils s’adressent est heureux d’entendre dans la bouche de l’Empereur. Mais, l’année suivante, c’est un autre son de cloche qu’entend l’ambassadeur d’Angleterre, lord Durham. Nicolas lui parle avec beaucoup d’aigreur de la France et de son Roi. Il ajoute, il est vrai, que n’ayant rien à craindre d’eux, son opinion personnelle ne doit donner aucune inquiétude quant au maintien de la paix en Europe et que, tant que les circonstances seront les mêmes, il entretiendra avec Paris des relations loyales et suffisantes.

Il était alors de fort méchante humeur. L’année précédente, deux des fils de Louis-Philippe, le Duc d’Orléans et le Duc de Nemours, avaient été reçus à Vienne et à Berlin, quoique Nicolas eût laissé entendre à ses deux alliés que faire accueil aux jeunes princes serait à ses yeux une atteinte au principe de la légitimité. Nen seulement ils avaient été reçus, mais leur succès