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démission le 30 mai, laissant le champ libre aux conseillers de la guerre à outrance. La main du cabinet de Vienne, acharné à la destruction de l’union balkanique, se retrouve dans les événemens qui aussitôt se précipitèrent. Nul doute qu’il souffla de détestables encouragemens à l’oreille de Ferdinand Ier, tout en lui promettant de retenir la Roumanie dans la neutralité. Le tsar des Bulgares, lorsqu’il fit attaquer nuitamment, le 29 juin, les troupes serbes et grecques, croyait avoir partie gagnée. Il allait au-devant du désastre le plus complet et le plus mérité.

Mais si les vainqueurs avaient pu deviner quel serait le lendemain de leur victoire, n’auraient-ils pas essayé, même après la trahison bulgare, de conserver l’existence de l’union balkanique ? Ce groupement d’Etats militaires, montant la garde à toutes les portes des Balkans, barrant la roule à la poussée des Allemands, eût été un bon facteur de la paix européenne. Pour les Empires centraux un pareil adversaire n’était pas à négliger. Rappelez-vous que le motif allégué par le chancelier de l’Empire pour justifier devant le Reichstag, en avril de cette même année 1913, l’augmentation de l’armée allemande, fut la constitution de la coalition serbo-bulgaro-grecque, à laquelle l’Autriche-Hongrie serait obligée de faire face, car il était à prévoir que le champion balkanique se rangerait du côté de la Russie. Il est donc permis de regretter que la punition infligée à la Bulgarie ait été aussi sévère. A user avec plus de politique et de modération de leur triomphée, les vainqueurs auraient tout au moins empêché le vaincu de nourrir des projets de vengeance et de les mettre à exécution, comme il s’est empressé de le faire.

L’instabilité de la situation européenne ne frappa point les yeux des hommes d’Etat de Belgrade, d’Athènes et de Bucarest. Ils ne virent pas plus loin que les Balkans. Ils s’imaginaient s’être partagé définitivement la péninsule ; au chaos macédonien, ils n’avaient fait que substituer un déblaiement et un bornage provisoires. Les Serbes campaient seulement sur leurs conquêtes, car ils conservaient, comme un orage suspendu au-dessus d’eux, la haine implacable de l’Autriche-Hongrie. Le cabinet de Belgrade se borna à resserrer son alliance avec la Grèce. L’expérience a prouvé combien ce lien était élastique et insuffisant.