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activer sa réorganisation militaire. Si en effet son ministre de la guerre avait mis le temps à profit, l’Empire des tsars serait entré en lice, armé pour la victoire, lorsque le rideau, après un entracte de cinq années, se leva sur la seconde partie du drame austro-serbe. Mais cette reprise du duel, personne dans les chancelleries et dans les parlemens étrangers ne pensait alors qu’elle dût avoir lieu, ni surtout dans un avenir aussi proche. Personne ne tint en éveil l’opinion publique sur le péril, toujours imminent, d’un conflit entre Vienne et Belgrade. Aussi, à peine remise d’une alarme aussi chaude, l’opinion publique s’empressa-t-elle de se rendormir sur l’oreiller d’une fausse sécurité.


IV

Avant la lutte finale se place un intermède militaire qui acheva de la rendre inévitable et avança l’heure des hostilités. On croyait en Europe que les Serbes se recueilleraient après le rude choc diplomatique qui avait dû les étourdir et leur servir d’avertissement. On connaissait mal ce peuple énergique et son gouvernement entreprenant, maintenant qu’ils avaient à leur tête une dynastie partageant leur conviction ardente dans l’avenir de leur race et de leur pays. L’affaire bosniaque, loin d’abattre leur confiance, l’avait plutôt surexcitée, en les poussant à hâter la préparation de leur armée et elle leur avait donné l’espérance de l’appui plus certain d’une Russie mieux préparée elle-même à l’éventualité d’un conflit général. Les événemens de Turquie leur procurèrent bientôt un dédommagement éclatant, dont le danger fut son étendue même et son retentissement.

Toutes les révolutions qui s’accomplissent au nom de la liberté dans les pays soumis au despotisme d’un monarque ou au gouvernement réactionnaire d’un parti, sont applaudies avec transport par les nations où règne un régime libéral et démocratique. La révolution turque de 1908 n’a pas échappé à cette popularité et à cet enthousiasme. L’horreur, inspirée par le gouvernement d’Abdul-Hamid qui ne comptait de défenseurs qu’en Allemagne et en Autriche, explique, d’autre part, le déchaînement de sympathies et d’illusions provoqué par l’apparition sur la scène européenne d’une Turquie nouvelle, agitant le parchemin d’une constitution. En réalité, les espérances que