Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 44.djvu/244

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

A la vérité (et nous le constatons sans un dessein agressif qui irait contre notre objet), une seule classe la met en danger ou tout au moins en jeu. C’est celle qui se nomme « la classe ouvrière, » ou, pour être équitable, ce sont les meneurs qui s’arrogent le privilège et le monopole de parler en son nom. Leur plan, longtemps dissimulé ou flottant, s’étale maintenant à découvert, en plein relief, à arêtes tranchées. Il s’agit de profiter de la guerre pour accomplir ou avancer la révolution sociale, en substituant à tous les organes de l’État national les organes d’un État socialiste avenir et en devenir. Telle est la prétention que rien ne justifie, ni la préparation, ni la capacité, ni les services rendus, ni les sacrifices consentis, pas même le nombre, qui n’est ici qu’une apparence. L’audace seule fait la force. On s’est félicité chez nous de ce que le Conseil national du parti socialiste, réparant la faute de la Fédération de la Seine, avait résolu de ne point cesser de voter, à la Chambre, les crédits de guerre. Mais ce n’était qu’un incident, quelque intérêt qui s’y attache. Le fait capital réside dans la réunion à Londres d’une Conférence socialiste interalliée, qui prolonge le projet avorté de la Conférence internationale de Stockholm, et peut-être prépare une autre Conférence internationale autre part. Or, à la minute décisive, au pont tremblant où nous sommes arrivés, de semblables confabulations se tiendraient à pic sur l’abîme. Nous avons dit, nous répétons bien volontiers que, sauf quelques consciences ou intelligences malades, le patriotisme du parti socialiste en tant que tel et des socialistes en tant que Français ne peut pas être soupçonné. Mais l’Allemagne est aux aguets. On vient encore de la surprendre à l’ouvrage dans la Loire. Sur cet avertissement, et quelques autres signes, nous nous retournons vers l’étouffeur de monstres. Que les consuls veillent au dedans, pendant que l’armée monte sa garde au front. Purgeons le sol de la patrie, afin de pouvoir le délivrer. Dans le plus beau mythe qui soit sorti de l’imagination des hommes, avant d’assommer le brigand Cacus, Hercule, promenant l’éternelle justice, décapita l’hydre de Lerne et nettoya les écuries d’Augias.


CHARLES BENOIST.


Le Directeur-Gérant

RENE DOUMIC.