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des communes, de M. Orlando à la Chambre des députés italienne, l’ont affirmée et confirmée. M. Wilson a dit, avec un rare bonheur de langage, ce qu’il fallait dire après les derrières manifestations oratoires du comte Hertling et du comte Czernin, sans compter qu’en passant, il a fait des deux personnages des portraits joliment touchés ou suggéré d’eux des images fines et justes, vues d’un œil aigu, indiquées d’un doigt souple. Il n’a pas laissé paragraphe debout de la prétendue réponse de ces compères à ses quatorze articles, et, s’il a paru distinguer entre l’Allemagne et l’Autriche dans la perversité ou la malignité des intentions, cette indulgence ne l’a pas entraîné jusqu’à méconnaître l’impuissance pratique à passer aux actes, « causée à l’Autriche par ses alliances et par sa dépendance vis-à-vis de l’Allemagne. » Par-dessus tout, il a prononcé la parole nécessaire, le mot d’ordre : « Paix d’ensemble. » C’est-à-dire : quand la paix sera possible, il n’y aura de possible qu’une paix d’ensemble. L’Europe et les États-Unis, le monde n’en sauraient vouloir d’autre, parce que toute autre ne serait qu’une trêve, origine de nouveaux et prochains conflits. En attendant, cette cohésion, cette homogénéité, que nous voulons mettre dans la conclusion de la paix, nous devons les mettre dans la conduite de la guerre, avec la tendance la plus générale vers l’unité, à défaut de l’unité même. C’est ce que M. Lloyd George interpellé à la Chambre des communes, à propos du rôle dévolu au Conseil supérieur de guerre qui siège à Versailles, et de la démission du chef d’état-major britannique, sir William Robertson, a fait ressortir vigoureusement. Et nous devons éliminer d’entre les membres, grands ou petits, de l’Entente tout ce qui pourrait être un germe de méfiance ou de défaut ou de diminution de confiance ; M. Orlando l’a nettement fait entendre à Montecitorio, soutenu par un mouvement remarquable de l’opinion dans le Parlement et dans la presse. Le ton qu’il a employé a suffi pour que la divulgation du traité de Londres du 26 avril 1915 fût vidée de tout le venin dont les bolchevikis au service de l’intrigue allemande s’étaient réjouis de la charger. Rien n’est changé à la lettre des conventions ; ce qui est juré est juré ; mais, à côté de la lettre qui tue, il y a l’esprit qui vivifie ; le temps, qui est un grand maître, est aussi un galant homme. Là encore, c’est la parole du Président Wilson qui sera le mot d’ordre : « Tous ensemble. Paix d’ensemble. » L’acide germanique, versé entre les Latins et les Slaves, ne réussira pas à dissoudre l’Entente.

Quant à la cohésion intérieure dans chaque nation, il appartient à tous les citoyens, de toutes les classes, de la préserver et de la fortifier.