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que tout se réglera, mais ne se réglera définitivement qu’à la fin, partout, par tous et pour tous.

« Dieu est trop haut et la France est trop loin ! » disait-on jadis en Pologne. C’est notre fierté et notre récompense qu’on le dise mainte- nant encore en tout pays où un peuple souffre. La Pologne, trois fois démembrée dans le passé, vient de subir un quatrième partage. Tel est le fruit des promesses allemandes. Les Empires, obligés, coûte que coûte à autrui, de traiter avec une Oukraine qui avait un appétit de territoires égal au besoin qu’eux-mêmes avaient de pain, et d’autant plus illimité qu’elle n’avait jamais eu de limites, n’ayant jamais eu d’existence nationale, lui ont fait la mesure large. Ils lui ont taillé, à même la chair russe, le morceau le plus gros qu’elle ait pu avoir et peut-être un morceau plus gros qu’elle ne pourra l’emporter. Un point était tout spécialement délicat ; l’incision s’y faisait à vif ; c’est où la chair, administrativement russe, était, ethniquement, de la chair polonaise. Les Petits Russiens et les Polonais, voisins de toute éternité, ou presque, n’ont pourtant jamais été ni frères ni cousins. Jusqu’en Galicie, ils ne perdent guère une occasion de se le témoigner, et nous nous rappelons les confidences que nous recevions, il y a une vingtaine d’années, du P. Stojalowski, dont nous avons encore dans les yeux les yeux pleins tout ensemble de lumière et de mystère. En somme, dans leur hâte à faire naître le nouvel État et à tracer la nouvelle frontière, les Allemands n’y sont pas allés de main morte : ce n’est d’ailleurs pas leur coutume ; et sans doute n’attachaient-ils à ce travail bâclé, si peu digne de leur érudition, qui cependant s’est tant exercée sur la géographie et l’histoire de ces contrées, qu’une importance théorique et toute provisoire. Sans entrer dans le détail, qui ne pourra, s’il doit l’être un jour, être fixé que sur le terrain, il reste que le tracé projeté suivrait, approximativement une ligne Sud-Nord à travers la province polonaise de Lublin, et une ligne Ouest-Est à travers le gouvernement de Grodno. L’Oukraine recevrait donc une partie de la Pologne sud-orientale et la région méridionale du gouvernement de Crodno. En particulier, elle recevrait l’ancien palatinat ou gouvernement de Kholm ou de Khelm, à l’Est de Lublin, si incontestablement polonais que, pour protester contre la spoliation, un double miracle s’est fait : toutes les Polognes se sont trouvées réunies, et, dans toutes les Polognes, tous les Polonais se sont trouvés d’accord.

La régence même, et le ministère, dits polonais, de Varsovie, quoique de fabrique allemande, le club polonais de la Chambre des