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REVUE DRAMATIQUE


Vaudeville : Deburau, pièce en quatre actes, en vers libres, par M. Sacha Guitry.


Le Deburau de M. Sacha Guitry a obtenu un joli succès. C’est une pièce agréable à voir et à entendre, anecdotique, épisodique, pleine de morceaux bien venus et pleine de trous, brillante, décousue, romanesque, poétique et à la bonne franquette. On y joue la pantomime et on y parle en vers, ou du moins en vers libres. Après les Butors et Deburau, le vers libre au théâtre va devenir redoutable. De la gaîté, de la tristesse, de la tendresse, à la surface et en surface. Une pièce qui est bien de maintenant et qui pourtant évoque des souvenirs d’hier ; une pièce où circule largement l’air d’aujourd’hui, où le passé flotte en ombres falotes : on y rencontre des personnages connus, un peu étonnés de s’y voir et qui, après le premier instant de surprise, y conversent avec plaisir. Le spectacle est varié, le dialogue alerte et souple avec un jaillissement de mots heureux, et le tout n’est pas fort original et pourtant n’est pas vieux jeu. Cela n’émeut guère, mais n’ennuie pas et encore moins, ne fatigue. Pièce facile, vers faciles, plaisir facile, le triomphe de la facilité.

Ce qui donne à cette aimable pièce son principal intérêt, c’est qu’elle est assez bien le type d’une pièce conçue, composée, écrite par un acteur. M. Sacha Guitry joue lui-même ses pièces et il les écrit pour être jouées par lui, qui les joue très bien et de telle façon que personne ne peut l’y remplacer. Or le point de vue de l’acteur est, comme on sait, très particulier, et son esthétique diffère sensiblement de celle de l’auteur dramatique. C’est là une vérité d’observation courante. La pièce que l’auteur a écrite reste une conception abstraite, tant qu’elle n’a pas été réalisée par l’acteur :