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avait manifesté les intentions que lui prêtait l’Allemagne ; elle marqua bruyamment sa satisfaction en entendant la phrase cinglante qui constate que l’indépendance et la neutralité de la Belgique sont placées « sous la garantie des Puissances, et notamment du gouvernement de Sa Majesté le Roi de Prusse. » Ce langage fier et mesuré était bien celui qui convenait au tempérament national. Une longue ovation accueillit la phrase finale, celle qui contenait la réponse définitive formulée dans le style diplomatique le plus impeccable : «. Le gouvernement belge est décidé à repousser par tous les moyens en son pouvoir toute atteinte à son droit. » Debout, les membres acclament le chef du gouvernement.

Le baron de Broqueville s’arrêta un instant, puis donna lecture de la troisième et dernière pièce du procès. C’était la lettre remise à six heures du matin à M. Davignon par M. von Below-Salesk, contenant la déclaration de guerre. Le gouvernement impérial, disait le ministre d’Allemagne, « se verra à son plus vif regret forcé d’exécuter, au besoin par la force des armes, les mesures de sécurité indiquées comme indispensables vis-à-vis des mesures françaises. »

Le mensonge continuait donc à se mêler à la brutalité. Dans cette Chambre où avaient si souvent retenti les plus niaises affirmations du pacifisme et les absurdes raisonnemens d’un antimilitarisme borné, que d’échos ne réveillait pas cette courte lettre des héritiers de Bismarck ! C’était donc la guerre aujourd’hui même !

Le baron de Broqueville poursuivit, la voix vibrante d’une indignation contenue :

« Messieurs, cette réponse se passe de tout commentaire, parce que tout commentaire affaiblirait ce qui vient de se passer aujourd’hui. A l’heure actuelle, la parole est aux armes, mais par les armes nous ferons franchement, énergiquement tout notre devoir. »

Une rumeur de colère, la colère des honnêtes gens, montait de l’assemblée. Des cris de : « Vive la Belgique ! » éclatent de nouveau. Le ministre se laisse quelque peu entraîner :

« Comme l’a dit tantôt S. M. le Roi, dit-il, un peuple qui ne s’abandonne pas peut être vaincu, mais il est certain qu’il ne sera pas abattu... »