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LE DEPART


A la voix du clairon, à l’appel du tambour,
Nos frères, nos époux, nos enfans, nous les vîmes,
Tous ces êtres voués aux martyres sublimes,
Gravement, fièrement, nous quitter tour à tour.

Espéraient-ils alors comme nous le retour ?
Ils nous le laissaient croire... Ardens et magnanimes,
Portant sur un front clair la marque des victimes,
Ils partaient, le cœur plein d’un magnifique amour.

Les fleurs à leur fusil, le rire sur leur bouche
Ne dissimulaient pas leur volonté farouche :
A l’offrande suprême, ils étaient résolus.

Maintenant que leur sang et vos larmes amères
Ont sauvé ce pays, vous savez bien, ô mères,
Que ce sont les meilleurs qui ne reviendront plus.


LA CROIX DE BOIS


Les vivans, les vainqueurs, parés des fiers insignes,
Défileront sous l’Arc de Triomphe un jour clair
Où l’âme de la France illuminera l’air,
Et de l’amour de tout un peuple, ils seront dignes.

Leurs prouesses sans nombre ont illustré nos lignes ;
Ayant bien défendu ce qui leur était cher,
Ils goûteront, parmi les enfans de leur chair,
Les fruits de leurs hauts faits et le vin de leurs vignes.

Mais quel sera le prix des actes les plus beaux ?...
Les branches que l’on croise au chevet des tombeaux,
Blanc symbole incliné vers la terre profonde,

Croix de bois que Jésus le Rédempteur porta
Et qui, phare divin, rayonna sur le monde,
Quand le Juste mourut pour nous au Golgotha.