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avait fait, en le touchant, un personnage, le premier de l’Allemagne après l’Empereur, avait laissé surtout à son auditoire une impression de médiocrité. Il l’a senti. D’autre part, les journaux, le Times en tête, venaient de rappeler l’attention sur la Conférence tenue à Potsdam, le 5 juillet 1914, un mois avant la déclaration de guerre, entre Allemands et Autrichiens, souverains et princes héritiers, ministres, chefs d’état- major ; et par cette publication, qui n’était du reste qu’une réédition, venait d’être posée derechef, ravivée, la question toujours brûlante des « responsabilités de la guerre, » que Guillaume II s’évertue à secouer, mais qui lui colle au dos comme une tunique enduite de soufre. Le crime des Empires du Centre, qui, dans la position réciproque de l’Allemagne et de l’Autriche, dans l’enchaînement des causes et des faits, est avant tout le crime allemand, — ici encore, l’Allemagne, l’Allemagne par-dessus tout ! — était une fois de plus démontré. M. Michaëlis, encore novice, s’est cru assez malin pour donner le change, par un recours à la ruse puérile que pratiquent tous les écoliers, et dont nous avons souri l’autre jour : « Ce n’est pas moi ! C’est lui ! » Mais tandis que, d’abord, il n’avait fait avec une légèreté relative, ensuite, de peur que le coup n’eût pas porté, il a insisté germaniquement. Ne pouvant, décemment ou indécemment, prétendre que c’était la France qui, il y a trois ans, avait rendu la guerre inévitable, il s’est proposé d’établir que c’était elle qui maintenant en rendait nécessaire la prolongation.

Par cette révélation, M. Michaëlis se flattait de faire du neuf, de se distinguer de M. de Bethmann-Hollweg, demeuré empêtré dans ses chiffons de papier, et de ses compères viennois qui n’avaient su que rabâcher piteusement des fables ridicules, des histoires absurdes, des contes à dormir debout. Et l’instant lui paraissait bon. Chargé de résoudre le problème, il en repassait en esprit les données, telles qu’il aimait à se les représenter : la débâcle russe, le fléchissement, signalé avec complaisance et combien d’exagération ! du moral des nations de l’Entente, les difficultés que certains d’entre les Alliés devaient avoir à s’accorder sur certains points, les lenteurs obligées, mais pesantes, de l’intervention américaine, la lassitude plus sensible au quatrième anniversaire (l’Allemand, homme d’imitation, est, naturellement aussi, un homme à anniversaires), la douleur des familles ravagées ou séparées, les souffrances, les privations, la gêne, la satiété de la mort, la poussée de la vie qui veut renaître, les agitations des partis et des syndicats de profiteurs qui pensent aux affaires de demain, les tracasseries en vue d’une paix brusquée et bâclée dont quelques-uns