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minuscules se livrent une lutte sauvage pour et contre la défense de l’organisme lésé. Lutte passionnante, avec des hauts et des bas, où, dans l’infiniment petit, les tactiques et les stratégies se contrebattent énergiquement et dont dépend la mort, la mutilation ou le salut du blessé. Étrange analogie qui fait que le sort du soldat dépend des combats d’êtres infimes par rapport à lui, comme celui de ce grand corps qu’est la Patrie elle-même dépend des luttes de bipèdes humains infiniment petits, au moral comme au physique, par rapport à elle !

Il est du plus haut intérêt de suivre dans son détail et dans ses phases l’évolution microscopique de la plaie de guerre. Car cet examen est seul de nature à conduire à un traitement rationnel. Dans cette bataille qu’est le soin des blessés, comme dans la bataille des hommes, il faut d’abord voir et observer avant d’agir et pour agir utilement. Et l’étude microscopique continue des lésions est la base nécessaire de leur guérison, comme l’observation est celle des bons tirs d’artillerie, ainsi que je l’ai montré dans ma dernière chronique. Veni, Vidi, Vici indique, en chirurgie comme ailleurs, les trois étapes nécessaires de la victoire.

Regardons donc, du haut de cet observatoire magique qu’est le microscope, ce qui se passe dans la plaie. Par lui le Lilliput microbien va nous révéler ses secrets et les étranges combats qui l’agitent sur le champ de bataille de la pauvre chair meurtrie des soldats. Les récens travaux de divers chercheurs et notamment de MM. Policard, Phelip, Fiessinger, nous ont apporté à cet égard des révélations fort suggestives.

A l’intérieur de la cavité, à orifice déchiqueté et relativement étroit, qu’a produite dans la masse musculaire la giration du projectile déchirant, on trouve d’abord un magma formé par un mélange de muscle arraché, de caillots de sang, et de sérosité auquel sont incorporés des corps étrangers : le projectile lui-même, des débris de vêtement, de la boue, des fragmens divers de cailloux, de bois ou d’acier. Tous ces corps étrangers et plus ou moins maculés ont entraîné avec eux un certain nombre de microbes qui vont trouver un terrain très favorable à leur développement, car on sait, et le professeur Dieulafoy, en particulier, y a insisté, que les cavités closes favorisent la virulence des infections.

Pourtant, immédiatement après que la blessure a été faite, le microscope ne révèle d’abord que des élémens anatomiques détachés de leurs connexions normales, des tissus meurtris, et qui ont perdu