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« Conseils aux chirurgiens » donnés tout au début de la guerre (août 1914), par une importante personnalité — administrativement, sinon scientifiquement parlant — de la médecine militaire. « Ne touchez pas aux plaies. » C’est sous cette forme schématique et brève que pouvaient se résumer ces conseils qui furent adressés à tous les médecins mobilisés. Car, c’est endormie sur le mol oreiller inerte de l’asepsie que la chirurgie militaire aborda la guerre présente.

Le réveil fut terrible et net. La dure expérience, mère de toute vérité, comme dit Poincaré, nous apprit clairement et promptement que la conduite à tenir devait être toute différente, je dirai même opposée, si l’on voulait éviter les pires désastres. C’est ainsi que le conflit actuel, qui nous a donné tant d’enseignements révolutionnaires en tactique, n’a pas été moins fécond en surprises dans cette autre bataille contre le mal qu’est la chirurgie de guerre.

Une chose frappante, dans les combats d’aujourd’hui, est la multiplicité extraordinaire des plaies qu’on rencontre souvent chez le même blessé. Cela est dû avant tout à la prédominance considérable des plaies par éclats d’obus, de torpilles ou de grenades sur les plaies par balles. Dans les guerres antérieures en rase campagne, les projectiles frappaient en général de plein fouet. Aussi les blessures par balles étaient-elles de beaucoup les plus fréquentes. Aujourd’hui, c’est l’inverse qui se produit. La guerre de tranchées a développé d’une façon formidable le rôle de l’artillerie. Pour atteindre l’ennemi dans les tranchées, on emploie essentiellement le tir indirect, l’artillerie avec ses obusiers et ses lance-torpilles diverses, l’infanterie avec les grenades. La balle tirée de plein fouet ne sert plus guère que contre un adversaire s’avançant en terrain découvert, c’est-à-dire dans le minimum des cas. Mais, même dans ceux-ci, les projectiles explosifs sont encore les plus efficaces et les plus employés à cause de leur grand rayon d’action, et parce que la supériorité de la balle, sa longue portée est inutile dans cette guerre.

De là résulte la prépondérance marquée des plaies par éclats d’obus, de grenades ou de torpilles sur les plaies par balles. Celles-ci se produisent surtout dans les assauts. Alors entrent en jeu les terribles mitrailleuses qui font de si grands ravages chez l’assaillant si la préparation d’artillerie n’a pas été suffisamment poussée.

On constate donc beaucoup plus souvent des plaies par éclats d’obus ou de projectiles similaires. En éclatant, l’obus ou la grenade se divise en un grand nombre de fragmens. Ceux-ci entraînent