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REVUE SCIENTIFIQUE

LES PLAIES DE GUERRE

Quand la guerre éclata, les générations médicales formées depuis 25 à 30 ans ne connaissaient plus guère que théoriquement un grand nombre des terribles complications des plaies, qui avaient empoisonné la pratique des générations précédentes. La plupart des médecins n’avaient jamais vu de pourriture d’hôpital, de pyohémie, de gangrène gazeuse. Ils n’avaient que bien rarement l’occasion de voir du tétanos ou de la septicémie. Toutes ces affections constituaient des maladies d’ordre « paléontologique, » qu’on me permette cette expression. Ils ne connaissaient guère ces espèces pathologiques disparues que théoriquement, comme ils connaissaient par exemple la peste et le béri-béri, ou comme le biologiste connaît le mammouth.

Au milieu du siècle dernier, le grand chirurgien Nélaton disait qu’il faudrait élever une statue en or à celui qui saurait débarrasser la chirurgie — alors si pleine d’aléas — de l’infection purulente et des complications septiques des plaies. La récompense proposée ne paraîtra pas excessive si l’on songe que, par suite de ces complications, tous les amputés de cuisse de l’hôpital Saint-Louis à Paris, sauf un, avaient succombé, pendant la guerre de 1870-71. Ce précédent est d’autant plus caractéristique que l’amputation de cuisse est la plus fréquemment faite des amputations en chirurgie de guerre. Le rêve de Nélaton s’était depuis lors réalisé. Sous l’influence des doctrines de Pasteur, on trouva que les complications infectieuses des plaies étaient provoquées par des germes microscopiques. Lister appliqua l’antisepsie, qui arrête le développement de ces germes,