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ont pour résultat de rendre le lait plus rare et de forcer maint producteur à vendre ses vaches pour ne pas être exposé à des amendes, voire à des condamnations plus graves, s’il ne veut pas voir ses recettes tomber au-dessous de ses dépenses. Et c’est encore Ducos qui disait très justement à ce propos :

« Comme la proportion entre les prix et les dépenses s’établira bien mieux par la force des choses que par tous vos calculs, comme les échanges sociaux sont toujours justes quand ils sont libres, parce qu’ils sont l’ouvrage des intérêts respectifs et le résultat de leurs conventions, tandis que ce qui est forcé est souvent injuste parce que le législateur ne voit pas tout, comme l’intérêt privé n’oublie rien, il en résulte qu’il vaut mieux ne pas établir de taxe... »

Qu’est-ce, en outre, que ce bénéfice raisonnable dont les circulaires ministérielles ou les commissions locales parlent aujourd’hui ? S’agit-il d’un profit de 5 pour 100, de 10 pour 100, en admettant qu’il soit possible de calculer le montant des capitaux engagés ? Le mot « raisonnable » est assez vague pour autoriser d’avance les actes les plus arbitraires, sous prétexte qu’il faut protéger les intérêts de l’acheteur. En fait, le profit raisonnable est celui qui résulte de la concurrence des producteurs et de l’activité variable de la demande combinée avec l’abondance non moins variable des offres.

Comment ne voit-on pas que l’intérêt du public n’est pas sacrifié à l’avidité du cultivateur aujourd’hui plus qu’hier ? Si les conditions nouvelles de la production nous forcent à subir la hausse des prix, cette hausse n’est-elle pas moins dangereuse que la disette provoquée par le découragement de l’agriculteur ?

Il n’est pas question d’ailleurs d’oublier les souffrances réelles infligées par l’élévation des prix à tous les pauvres dont les ressources ou les revenus fixes ne sont pas en rapport avec le cours des denrées de première nécessité.

C’est un devoir que de songer aux malheureux, mais il importe d’en préciser le nombre pour montrer que l’État peut les secourir sans anéantir la production en taxant le cultivateur.

Voici ce que l’on peut dire à ce sujet.