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du laboureur et du fermier ; car, pour vous faire vivre, il faut bien qu’ils puissent vivre eux-mêmes... Si la fixation du prix des grains n’était pas en proportion avec la cherté des autres comestibles, avec les avances de la culture, avec le salaire des manouvriers, le cultivateur, ne tirant alors aucun produit de l’exploitation de son champ, cesserait de cultiver, la plus grande partie des terres serait en friche l’année prochaine, et le peuple mourrait de faim...

« J’ai dit que la taxe, pour être équitable, devrait être en proportion avec une foule d’avances, de frais, de salaires dont le prix, variant sans cesse, devrait faire varier aussi chaque jour celui de la taxe ; et j’ajoute que le commerce, et le commerce libre, peut seul suivre tous les degrés de ces variations...

« Pour labourer, il faut des bœufs ou des chevaux. Eh bien ! un cheval qui coûtait 300 livres il y a trois ans, coûte aujourd’hui 1 200 ou même 1 500 livres. Votre taxe suivra-t-elle cette effrayante progression ?

« Si l’on proposait au cordonnier de taxer les souliers à 6 livres, il répondrait : « Le prix du cuir a doublé ; les journées de mes ouvriers étaient de 50 sous, il y a quelques années ; elles sont à 4 livres aujourd’hui. Je ne puis faire des souliers qu’à 12 livres. Payez-les à ce prix ou je renonce à mon métier. »

« Le cultivateur peut dire à son tour : « Taxez à une pro« portion raisonnable tous les comestibles, tous les objets principaux d’industrie, toutes les avances et tous les travaux, ou ne taxez point le produit de mon travail !... »

On répond, il est vrai, à tous ces argumens que la taxe sera établie pour tous les produits agricoles en tenant compte du prix de revient et d’un bénéfice raisonnable ! Dernièrement, c’est en utilisant la méthode des prix de revient que les préfets ont été invités à taxer le lait et les dérivés du lait, tels que les beurres ou les fromages !

Mais cette méthode ne tient pas compte des variations du coût de production, variations incessantes que la taxe ne peut pas suivre, et, en outre, le calcul des prix de revient précis est impossible, parce qu’il devrait varier avec chaque ferme, avec chaque saison, avec chaque cultivateur. Les prix calculés par les commissions préfectorales sont donc inexacts, trop forts ici et insuffisans ailleurs. Les poursuites intentées contre des laitiers