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à présent par l’expérience. Les prix fixés arbitrairement ne peuvent jamais représenter que des moyennes, et c’est alors la dernière qualité de la marchandise qui est vendue au tarif fixé, les autres qualités devenant introuvables ou s’échangeant de gré à gré — en marge de la taxe — au prix normal. Nous avons relevé nous-même un exemple curieux de ces pratiques. A X... dans un département du bassin de la Loire, l’autorité avait taxé les pommes de terre. Celles-ci étaient bien vendues à ce taux, mais il s’agissait de tubercules petits, de qualité médiocre, provenant de tris faits par les producteurs qui trouvaient ainsi le moyen d’écouler à, un bon prix des pommes de terre de conservation impossible.

Si la taxe est plus élevée dans une région que dans l’autre, les marchandises sont aussitôt expédiées là où leur prix est plus avantageux pour les vendeurs, et la disette sévit ailleurs.

C’est ce qui vient d’être observé à Paris, quand le beurre fut taxé au-dessous des cours pratiqués en province. Les expéditeurs se gardèrent bien d’envoyer aux Halles les marchandises taxées à plus haut prix sur d’autres marchés, et les arrivages constatés à Paris diminuèrent dans de fortes proportions. En même temps, les beurres inférieurs furent vendus au prix de la taxe, c’est-à-dire a un prix maximum devenu un prix unique par suite de la rareté de la marchandise et de l’activité de la demande. Sous la pression de la nécessité, la taxe des beurres a été abolie, et, à Paris comme en province, on a vu augmenter les arrivages pendant que les prix s’abaissaient au lieu de s’élever !

Enfin, la taxe ne saurait rester fixe alors que tous les élémens des prix de revient agricoles varient sans cesse, et notamment ces frais augmentent parce que les difficultés de la production sont toujours plus grandes.

Si l’expérience du passé pouvait éclairer le législateur de 1917, il méditerait les sages paroles d’un Conventionnel, Ducos, qui disait déjà en 1793 :

« Je parlerai tout d’abord de la difficulté d’établir un prix avec quelque raison et quelque équité...

« Sans doute, en fixant le prix des grains, vous voulez faire entrer dans ce prix, comme données nécessaires, les avances de la semence, celles de la culture, l’achat des bestiaux, des instrumens aratoires, des transports, le prix du travail, enfin