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du producteur parce que le produit en argent d’une récolte de blé est largement supérieur à celui de la récolte d’orge et d’avoine sur la même terre ; mais la taxation ayant désormais bouleversé l’ordre normal des choses et déprécié le froment pendant que les autres grains montaient de prix, il devenait au contraire avantageux d’augmenter la production des céréales communes en réduisant d’autant celle du froment.

On pourrait dire, il est vrai, que nous raisonnons sur des « espèces, » c’est-à-dire en généralisant abusivement. En réalité, les faits que nous signalons et les craintes que nous exprimons se trouvent exactement confirmés et justifiés par le ministre de l’Agriculture lui-même. Dans un rapport daté de mars 1916 et adressé au Président de la République, l’honorable M. Méline insiste sur les dangers de la taxation en demandant que le prix maximum du blé soit porté de 30 à 33 francs par quintal quand le Ministère de la Guerre fera des achats par voie de réquisitions à l’intérieur du pays. Voici comment il s’exprime :

«... Il est du plus haut intérêt pour l’alimentation publique et celle de l’armée, aussi bien que pour le bon état de nos finances, d’intensifier la production du blé qui est le produit français par excellence. Il devient d’autant plus précieux que les cours du blé étranger ne cessent pas de s’élever et la hausse ne fera que s’aggraver. Chaque quintal de blé étranger introduit en France fait perdre 10 francs au Trésor et augmente la crise du change.

« Nos agriculteurs ne se refusent pas à faire le maximum d’efforts pour diminuer le déficit en se concentrant sur la production du blé, mais ils sont découragés par le prix fixe et immuable de 30 francs qui leur a été imposé au début de la guerre, et qui était déjà insuffisant. »

Depuis l’automne dernier, il l’est devenu bien davantage, los frais de production et les difficultés de culture n’ayant pas cessé de s’accroître. Ainsi, le ministre constate précisément que les conditions de la production ont changé, et ses conclusions confirment les nôtres.

Voici maintenant le passage relatif aux conséquences fâcheuses de la taxation.

« L’enquête récente publiée par le ministère établit que la surface cultivée en blé a été, en 1915, inférieure de 475 000 hectares