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avec tant de courage, doit avoir d’inévitables répercussions sur le bien-être de tous. Il est aussi déraisonnable que puéril d’exiger que personne ne souffre des conséquences de la guerre.

Quelles ont été précisément ces répercussions en ce qui touche les conditions de la production rurale ? C’est ce que nous allons dire en utilisant tous les renseignemens recueillis par nous depuis plus d’un an.


LES CONDITIONS NOUVELLES DE LA PRODUCTION AGRICOLE EN FRANCE

Deux faits caractérisent les conditions nouvelles de la production agricole dans notre pays à l’heure où ces lignes sont écrites : il s’agit tout d’abord de l’extraordinaire rareté de la main-d’œuvre, de la hausse de son prix et des exigences exceptionnelles du travailleur salarié ; il s’agit, en outre, de l’élévation du prix de toutes les matières qu’utilisent et achètent nos agriculteurs, de telle sorte que l’augmentation de leur coût de production comporte nécessairement, autant que logiquement, la hausse du cours de leurs denrées.

Insistons sur ces deux points.

Il est clair que la mobilisation a privé nos campagnes de tous les travailleurs, de tous les chefs d’exploitations notamment, qui étaient en âge de se battre. A cet égard, aucune preuve n’est nécessaire : l’évidence s’impose. Les femmes, les enfans, les adolescens, les hommes d’âge mûr et les vieillards constituent assurément une réserve fort importante, et la nécessité de travailler a été acceptée par tous ces braves gens, par toutes ces courageuses femmes en particulier. Leur éloge n’est plus à faire. Ils concourent tous de la façon la plus efficace à entretenir la vie nationale, et, par suite, à défendre la patrie. On a eu raison de dire que le patriotisme était la religion du sol. Personne ne pratique cette religion avec plus de ferveur que nos « paysans, » les gens du pays !

L’énergie, l’expérience et, disons-le sans fausse pudeur, le désir de gagner, ont rendu possible l’exploitation de notre territoire par les habitans des campagnes ; mais il leur a fallu rechercher des auxiliaires salariés. Ceux-ci, devenus très rares, se sont montrés très exigeans au double point de vue de l’alimentation et du prix de la main-d’œuvre.