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ménagères dressent des statistiques qu’elles croient exactes, et formulent des plaintes qu’elles trouvent justifiées. Depuis le printemps de l’année 1915, il s’est produit une hausse générale des alimens d’origine végétale ou animale. Au cours d’une récente tournée faite dans nos départemens depuis la Normandie jusqu’à la Provence, en passant par le Limousin et les Charentes, nous avons relevé nous-même les mercuriales, et comparé leurs chiffres avec ceux des périodes précédentes.

Il est parfaitement établi que l’élévation des cours est générale et considérable. Elle est générale en ce sens qu’elle porte sur tous les produits du sol sans distinction, et qu’elle n’est pas spéciale à certaines régions. Qu’il s’agisse du bétail et de la viande, du lait, du beurre et des fromages, des grains et des légumes, des fruits, du vin ou du cidre, on observe toujours une hausse variant de 20 pour 100, à 100 pour 100, par rapport aux moyennes des années 1913-1915.

La hausse n’est donc pas seulement générale, elle est encore considérable.

Sans doute, l’intervention de l’Etat a pu limiter parfois cette hausse, en taxant certains produits. Mais la taxe ne modifie pas les prix réels, ceux qui résulteraient normalement du jeu de la concurrence et des effets de la liberté des transactions ; elle dissimule ces prix réels pratiqués et acceptés au besoin par les particuliers, en marge de la loi qui les gêne, et de plus, comme l’Etat est bien forcé de subir la règle commune, comme son action ne s’exerce pas à l’étranger, toutes les importations faites sont cotées aux cours vrais. Le consommateur qui bénéficie de la taxe et le producteur qui en souffre, supportent à titre de contribuables les conséquences des achats faits à perte pour dissimuler la réalité et retarder le règlement inévitable des différences dont l’Etat est responsable !

Que faut-il penser de la hausse dont nous parlons et que nous avons partout constatée ?

Assurément elle étonne les gens mal informés, elle irrite tous ceux dont elle froisse les intérêts, et enfin elle fait supposer au public que nous souffrons d’une disette, d’une énorme réduction des disponibilités ordinaires. A la gêne réelle imposée aux Français dont le revenu modeste est en même temps un revenu fixe, s’ajoute une inquiétude morale qui se traduit par des plaintes, par des appels à l’intervention de l’Etat, et par