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de ses esclaves. Cette position, dans sa pensée, devait être imprenable. — Ajoutons que la « ligne Hindenburg » est inconnue sous ce nom dans le lexique allemand : on n’y connaît qu’une position qui porte des noms divers empruntés à la mythologie wagnérienne, position Siegfried vers le Nord, Wotan ou Albérich au centre. Depuis que nous l’avons emportée, les Allemands nient son existence : il est clair que dans ces conditions elle ne sera jamais prise...

Ce n’est pas tout. A ce système de fortification correspond une nouvelle formule de la défensive. Une défense vraiment « active » comporte deux élémens : la résistance « opiniâtre » et la contre-attaque. La première est l’affaire de la garnison des premières lignes, la seconde celle des soutiens et des bataillons de réserve. Les lignes avancées seront tenues par peu de monde, afin de limiter les pertes ; de plus, cette ligne sera mobile et devra, si le feu rend la place intenable, se déplacer, s’égailler de côté et d’autre dans les trous d’obus, en dehors de la zone de feu, de préférence en avant. L’assaillant parvient-il à déborder la position ? Ne pas considérer la partie comme perdue : « Ce n’est pas la force d’une position, c’est l’esprit et l’habileté de la défense qui repoussent l’attaque. » Alors, se déclenche le mécanisme de traquenards qu’on a décrit plus haut, et ont beau jeu les feux d’enfilade, les surprises latérales, les mitrailleuses qui se démasquent sur les flancs de l’assaillant. Celui-ci a pour principe de filer droit devant lui pour s’emparer de points essentiels, sans s’arrêter à étouffer en chemin les résistances. il n’y a qu’à le laisser faire. Qui enveloppe, risque d’être enveloppé à son tour : ce sera l’affaire des « soutiens » de lui régler son compte. Il peut arriver un moment où les postes des premières lignes se verront noyés de toutes parts dans un flot d’ennemis : c’est alors que « les hommes de cœur, aux nerfs d’acier, sont les colonnes de la bataille. » Ils peuvent disputer le terrain, gêner les progrès de l’adversaire, rendre la victoire incertaine, attendre la contre-attaque qui les délivrera. Voilà la défense élastique, la résistance en profondeur. La défense n’est plus localisée nulle part, arrêtée sur une ligne rigide. Ce n’est plus la bataille frontale qui se décide en un moment et où la poussée du plus fort fait céder ou éclater l’autre ; c’est un genre de combat diffus, sans bords ou sans contours précis, et qui se passe « autour de la première ligne, » avec des oscillations