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tomber sur un autre ; qu’il soit contraint de s’arrêter sous le feu et d’y cruellement souffrir ; qu’il trouve un terrain semé de pièges, hérissé de défenses, de fils de fer bien camouflés, disposés en dents de scie, en écharpe, en couloirs, qui disloquent l’attaque, l’accrochent, l’effiloquent, tandis que des feux d’enfilade partis de points bien choisis, au besoin de nids de mitrailleuses embusquées en plein vent, achèvent de le détruire. Si quelques groupes plus heureux parviennent malgré tout jusqu’à la deuxième ligne, ce sera pour s’y faire ramener ou ramasser par la garnison.

L’essentiel du système se ramène à ce qu’on appelle l’échelonnement en profondeur, par opposition à l’ordre mince ou linéaire. Une fortification du type Hindenburg comportera généralement deux ou trois « positions, » comprenant chacune au moins deux « lignes, » la ligne de défense et la ligne de soutien, réunies entre elles par des boyaux, le tout agencé de manière à obtenir un cloisonnement, un compartimentage étanche du terrain, afin de limiter l’irruption de l’ennemi, avec des points d’appui s’étayant mutuellement et un usage complet de tous, les organes de flanquement, « qui constituent l’armature et le squelette du système [1]. » On multiplie à l’intérieur les « bretelles, » les crans d’arrêt, les cadenas, les « verrous (Riegelstellung) ; » on les doublera en arrière de « lignes de sûreté. » C’est un ouvrage de serrurerie extrêmement compliqué, qu’une position Hindenburg. La disposition des abris est assez particulière. Dans la ligne avancée, rien que des postes de guetteurs ; dans la ligne de soutien, un abri tous les deux cents mètres pour un « groupe, » c’est-à-dire pour une dizaine d’hommes. Les grands abris de réserve sont placés en arrière. Plus d’abris de combat enterrés trop avant et d’où la garnison n’arrive pas à sortir : en revanche, partout une débauche de béton. On s’en servira surtout pour les blockhaus à mitrailleuses. En résumé, une « foule d’ouvrages de petites dimensions, disséminés, dissimulés, se soutenant d’après un plan précis, » sans aucune régularité, et disposés toujours en chicane ou en échiquier. Les linéamens de cette organisation apparaissent nettement dès la fin de janvier. L’Allemagne y emploie les prisonniers, les déportés, l’immense main-d’œuvre

  1. Supplément d’instructions relatives à la construction des positions défensives, document de la VIIe armée allemande, 27 septembre 1916.