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canal de jonction du Rhône à Marseille en employant l’étang de Berre et l’étang de Caronte jusqu’à Port-de-Bouc. Ce travail si important a bien été entrepris, mais avec quels retards ! L’établissement d’une voie de communication entre Marseille et le Rhône fut officiellement proposée... en 1620 ! Il a fallu attendre deux siècles et demi pour que la question fût sérieusement reprise et divers plans examinés, notamment celui du lieutenant-colonel du génie Marchand, qui proposait d’ouvrir un canal souterrain praticable pour les bâtimens de la marine commerciale à traversées collines du Rove. C’est ce qui a été décidé par la suite, mais le premier coup de pioche n’a été donné qu’en avril 1911, à la tête Sud du port de la Lave, par lequel on accède à l’avant-port de Marseille. Le souterrain n’a été attaqué qu’en 1912 du côté Nord par la tranchée de Gignac. La rencontre des deux tronçons de galerie d’avancement a eu lieu avec une précision mathématique le 18 février 1916. Combien ne devons-nous pas déplorer que le canal n’ait pas été achevé avant la déclaration de guerre, quand nous réfléchissons aux services qu’il nous eût rendus pour l’acheminement des diverses marchandises vers le centre de la France ! De plus, l’aménagement de la masse d’eau de l’étang de Berre comme succursale de Marseille eût singulièrement facilité la navigation française. Quand cette mer intérieure, dont les profondeurs dépassent sept mètres sur une grande partie de son plan d’eau, sera rendue navigable pour les grands navires par l’étang de Caronte et reliée à Marseille grâce à un canal, une immense superficie de quais pourra y être édifiée. Un ingénieur anglais me disait en parlant de l’étang de Berre : « L’inutilisation de ce bassin naturel au XXe siècle est une hérésie économique impardonnable. »

D’ailleurs, on ne peut s’empêcher de frémir en songeant que Marseille ne communiquait avant la guerre avec le reste du pays que par une seule voie ferrée traversant un tunnel qu’une cartouche de dynamite eût pu faire écrouler. Comment s’étonner que notre marine marchande ne jouisse pas de la prospérité qu’elle mérite lorsqu’on constate que les œuvres les plus indiquées pour favoriser son développement restent si longtemps dans les limbes ? En vain la Chambre de commerce a multiplié les démarches pour faire aboutir plus tôt ce projet capital. La Revue des Deux Mondes m’a permis de l’exposer