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LA
CLOSERIE DE CHAMPDOLENT[1]



DERNIÈRE PARTIE[2]

VI. — LA RÉCOLTET du GOÉMON

Quand les deux domestiques de Kerjan eurent mangé la soupe, puis une large tranche de pain beurré, le plus jeune, qui se disait encore malade, se leva de table ; mais Le Treff avala une dernière crêpe de blé noir et plusieurs bols de cidre. Puis, sans hâte, il se prépara pour cette expédition de Mousterlin, endossant, par-dessus son gilet de tricot, une veste sans manche, soutachée de velours, la seconde d’après le rang d’ancienneté, et qu’il mettait toujours s’il devait travailler hors du domaine. Marie s’habilla un peu, elle aussi : mais, pour protéger le bonnet, le ruban et la collerette, elle jeta, sur sa tête et sur ses épaules, le châle de laine qu’elle attacha, sous le menton, avec une épingle double. Et elle monta dans la charrette aux flancs cintrés, qui était toute semblable à la carène d’un bateau de pêche, posée sur deux roues. Le Treff monta près d’elle. Dans le fond, sur les planches, il y avait deux fourches, une grosse pour le valet, une petite pour Marie. Les deux chevaux étaient attelés en flèche : dans les brancards, la vieille jument couleur d’acier, large de croupe et large d’épaules, mais lasse et qui n’avait point de trot, et, en avant, tirant par

  1. Copyright by René Bazin, 1917.
  2. Voyez la Revue des 1er et 15 juin.