Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 40.djvu/896

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« manœuvre, » d’ailleurs, ne dit pas nécessairement « offensive : » on peut, dans le cas contraire, n’avoir pour objet que de se créer des pièces ou des unités de rechange, ce qu’on appelle des « volans, » pour soutenir une bataille d’usure. Dans tous les cas, il est enfantin de prétendre que la réduction du saillant de la Somme avait pour but de procurer à l’état-major allemand quelques « disponibilités ; » la différence des fronts, avant et après la retraite, est de 45 kilomètres, représentant le secteur de cinq à six divisions. Cette économie insignifiante (et nous faisions la même, d’ailleurs, de notre côté) en valait-elle la peine, quand l’Allemagne, en s’établissant sur la ligne du Sereth, venait justement d’opérer un autre « raccourcissement » de quelque mille kilomètres ?

Au début de l’hiver, elle est en plein travail : on assiste au plus vigoureux de ses efforts pour se créer des ressources nouvelles et pour utiliser, exploiter à l’extrême son capital en « personnel. » Jamais on n’a vu triturer d’une poigne plus rude la pâte ou la matière humaine. Une série de mesures d’une énergie extraordinaire parvient, dans ce pays qui paraissait vide en automne, à extraire encore une armée. On sait que l’Allemagne, dès le printemps de 1915, avait inauguré un type de divisions légères, constituées à trois régimens par la réduction des anciennes divisions à quatre régimens ; ce système ternaire devient partout la règle : on supprime dans les régimens les quatrièmes bataillons, qui formeront le noyau des créations nouvelles. L’effectif de combat est unifié dans le bataillon à 650 hommes ; les services accessoires (cuisiniers, plantons, ordonnances) seront remplis par des inaptes, des malingres, les déchets des dépôts, par une catégorie de vieux, de pères de famille, employés jusqu’alors aux menus services de l’intérieur, douanes, postes, etc. cette opération, à 25 hommes par compagnie, devra rendre à l’armée active 250 000 hommes aguerris. Par le même procédé, on en tirera 25 000 autres des compagnies de mitrailleuses. Leurs remplaçans seront remplacés à leur tour par d<)s auxiliaires du service civil. Cette substitution se pour- suivra dans les bureaux, les hôpitaux, les ateliers et les usines. En principe, le service civil est volontaire, mais l’administration fait jouer, faut-il le dire ? tous les divers ressorts de la pression et de la contrainte ; elle dispose de l’allocation, de la carte de viande. Grâce à cette mobilisation universelle des deux sexes,