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qui possédait 23 grues en juillet 1914, en avait 11 de plus en janvier 1915. Les travaux entrepris : deux appontemens et la prolongation du mur Ouest du bassin à flot, permettront de porter à huit le nombre des places à quai. Des voies ferrées nouvelles ont été posées à Dunkerque, à Saint-Nazaire, à Cherbourg, etc. par les prisonniers allemands.

Rouen s’est distingué par sa merveilleuse faculté d’adaptation. Il suffit pour nous en convaincre de calculer le tonnage que ce port a dû absorber. Le mouvement des marchandises, qui était de 5 067 000 tonnes en 1914, est passé à 8 164 000 tonnes en 1915. En 1916, Rouen est devenu le premier port importateur de France avec 7 245 000 tonnes contre 6 100 000 tonnes à Marseille. Se rend-on compte des efforts qu’il a fallu réaliser pour faire face à cet afflux soudain de marchandises ?

Et tout cela ne sert qu’à mieux faire ressortir l’imprévoyance du gouvernement dans la constitution de notre outillage national. Malgré tous ces sacrifices en effet, le service des quais reste très au-dessous des besoins réels, car on n’a pas eu le temps matériel de substituer un automatisme bien compris aux vieux procédés désuets d’embarquement. On manque partout d’instrumens mécaniques et ce n’est pas en pleine guerre qu’on peut se les procurer. Les difficultés ne se sont d’ailleurs pas bornées au déchargement des marchandises. Elles se sont aggravées lorsqu’il a fallu évacuer celles-ci vers les lieux de destination définitive. On a constaté alors que les voies d’acheminement ne pouvaient même pas permettre l’évacuation des marchandises déchargées, quelque insuffisant que fût déjà le mouvement des ports. Il n’y avait pas derrière eux d’artères terrestres et surtout fluviales, de véhicules de camionnage, de lignes ferrées, de wagons, de locomotives, de péniches, de remorqueurs, en nombre assez considérable.

Un exemple typique fera mesurer les erreurs de cette politique à courte vue qui a prévalu en France depuis trop longtemps. Je veux parler du canal de Marseille au Rhône et de l’utilisation de l’étang de Berre ; Marseille, qui bénéficie par ailleurs d’une situation hors de pair, manque de moyens de pénétration naturels à l’intérieur des terres, puisque, seule de toutes nos grandes villes maritimes, la cité phocéenne n’est pas située sur les bords d’un fleuve. Pour obvier à cette condition toute spéciale d’infériorité géographique, il suffisait d’établir le