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Dimanche 19. — G... et S... confirment les renseignemens donnés antérieurement. L’offensive aura bien lieu aux environs du 20. Le général irait habiter les caves Pommery où tout est prêt depuis longtemps pour le recevoir. Il emmènerait trois secrétaires, les autres restant à la Division. On parle beaucoup en ville d’une proclamation du général Joffre qui serait lue aux troupes aujourd’hui à trois heures. On croit pouvoir en donner même les termes. Mlle F... « fortifie » la classe de Mme L... par des rangées de caisses pleines de linge, par des tables superposées, des tableaux noirs, des meubles, des fauteuils et y place un lit. L’ouïe de la cave est fermée par des sacs pleins de cailloux. Au premier étage, je fais vider les armoires à linge dont le contenu est descendu à la cave. On range tous les meubles et le piano dans la cuisine, qui parait plus protégée. Aujourd’hui il y a encore moins d’animation en ville et on entend une canonnade très intense des nôtres sur le front Est.

Jeudi 23. — Pas de nouvelles sensationnelles, sinon l’annonce par S... et G... d’une proclamation très courte du général Joffre aux troupes. Est-ce enfin le déclenchement ? Dans le ciel ; vers quatre heures, nombreux aéros boches et français, nombreux combats que je suis avec T... du plateau de Bezannes. De quatre heures à cinq heures et demie, violent bombardement de la ville. Nous voyons distinctement tomber les bombes et s’élever la fumée noire, notamment au centre et aux environs de la cathédrale et de l’hôtel de ville.

Samedi 25. — On vient de faire évacuer le cantonnement des brancardiers divisionnaires, logés à l’école de garçons voisine. A six heures. G... nous annonce que le préfet a téléphoné à la Division que nous avions aujourd’hui avancé de trois kilomètres à Auberive ; des officiers disaient entre eux que les Anglais avaient avancé dans le Nord de trois kilomètres sur un front de dix. Attendons confirmation de ces bonnes nouvelles. A neuf heures vingt, ce soir, premier coup très violent d’un de nos gros canons placés à Saint-Brice. La lueur de l’explosion a illuminé l’horizon et le coup a fait trembler notre maison tout entière, si bien que nous croyions à l’explosion d’une bombe allemande, mais de quart d’heure en quart d’heure de nouveaux coups semblables nous ont rassurés. Il paraît que c’était « la grosse Julie » qui tirait.

Dimanche 26. — Toute la nuit, de demi-heure en demi-heure,