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se laisser mourir de faim en route, et certains traverseront toute la France. Des charrettes, des camions à ridelles conduisent, sous la surveillance de maîtresses, tout ce monde à la gare de Pargny, distante de sept kilomètres. Là, après qu’on a fait un nouvel appel, les enfans prennent place dans le chemin de fer de banlieue qui les transportera jusqu’à Dormans, où ils attendront le grand train Nancy-Paris. Arrivés à Paris, la Société « l’Accueil français » les transportera dans les locaux où elle les hospitalise en attendant (un jour généralement) leur départ pour l’endroit où ils passeront leurs vacances. C’est beaucoup de fatigue pour nos instituteurs et institutrices surtout, mais cela fait tant de plaisir aux familles ! et nos courageux élèves ont si bien mérité ce repos loin des bombes !

Vendredi 17 septembre. — L’instituteur-soldat G... informe Mlle C... que les rumeurs relatives à l’offensive prochaine, au « grand coup, » seraient fondées : cela se mijote.

Le calme est à peu près général sur le front et en ville, même la nuit. A l’hôtel de ville on ne parle que du « grand coup » prochain. Dans ces conditions, je préfère ne pas faire rentrer les enfans envoyés en colonies de vacances. Ils ne reviendront que fin octobre. A l’ « Ouvroir » que j’ai installé rue de Courlancy, les institutrices fabriquent en hâte des milliers de lunettes pour masques anti-asphyxians demandés par l’Intendance.

Samedi 18. — Toujours les mêmes rumeurs relatives au « grand coup. » Un soldat a dit à T... que tout doit être prêt pour le 20 courant et que l’offensive peut avoir lieu tous les jours, à compter de cette date. L’action serait engagée sur tout le front. Partout, en ville et dans les cantonnemens, fiévreuse agitation des officiers et des soldats. Les cantines des officiers sont prêtes et placées en lieu sûr ; on en transporte de pleines charrettes à la Haubette. Tous les hôpitaux et ambulances sont vidés et prêts à recevoir de nouveaux blessés. Il nous faut prendre aussi nos dispositions contre le bombardement possible : j’ordonne la fermeture des trois garderies de vacances encore ouvertes (Dubail, Courlancy, Libergier) et interdis de nouvelles ouvertures sans autorisation formelle. Les écoles de la campagne resteront également fermées. Le calme cependant continue à régner. Voici qu’on apporte à l’ « Œuvre des Institutrices » des toiles à couper et à coudre pour faire 2 800 sacs à terre.