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réunis et donne un jour de congé aux écoles. Une conférence sera faite dans chaque établissement sur l’alliance italienne. A dix heures du soir, par un clair de lune splendide, bombardement violent. Les Allemands se vengent sur Reims de l’alliance italienne.

Mardi 1er juin. — Dès huit heures et demie, bombardement du centre de la ville, puis le tir s’allongeant atteint jusqu’au faubourg de Paris. A dix heures et demie, comme les coups se précipitent, je descends dans les classes. A l’instant précis où j’y arrive, se produit une très forte explosion : une bombe est tombée chez M. Choubry, au n° 48 de la rue de Courlancy, et l’école est au n° 2 ! Naturellement, les enfans ont été saisis par ce bruit formidable. Les maîtresses ont pris les mesures habituelles, ont rassuré les plus impressionnés, et, à onze heures vingt, le calme étant revenu, j’ai ordonné la sortie. Renseignemens pris, la bombe de la rue de Courlancy a tué une femme ; beaucoup d’autres victimes ont été faites en ville, surtout dans le centre.

Samedi 3 juillet. — A neuf heures dix du soir, j’étais assis dans la cour de l’école lorsque retentit un formidable éclatement, bientôt suivi d’un autre, puis d’un autre encore. Je rentre dans les classes et j’appelle, pour descendre à la cave, les personnes qui habitent au premier, car les sifflemens et les éclatemens se multiplient dans tout le quartier. Mlles F... et C... et M. T... descendent en hâte, non sans apporter chacun l’ordinaire sac contenant toute leur fortune, ce sac qu’on n’oublie jamais et qui reste, la nuit, posé près du lit de chaque Rémois pour être, en cas d’alerte, emporté dans la fuite. Avec M. T... nous nous blottissons dans un coin du « labyrinthe » aménagé près des classes. Alors commence la scène habituelle. A chaque sifflement, j’entends de la cave monter la voix de Mlle C... disant : « Encore une ! » ou : « Pas éclatée ! » « C’est dans le canal ! » « C’est rue de Vesles ! » etc.

Samedi 10. — Départ du premier convoi d’enfans pour ces « Colonies de vacances » que nous avons réussi à organiser. Grand remue-ménage rue de Courlancy, en face de l’école maternelle d’où partent ces convois. Accompagnés par leurs parens, nos « petits bombardés » arrivent dès six heures du matin (le départ est à sept heures), chacun portant le sac bourré de vêtemens, de jouets et aussi de victuailles, car il ne faut pas