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Vendredi 4. — Les journalistes des pays neutres sont venus à Reims, aujourd’hui. Leur visite a été rapide. Mais, vers trois heures, la caravane a été saluée par un certain nombre d’obus : à quatre heures, comme ces messieurs filaient de toute la vitesse de leurs autos sur la route d’Epernay, le bombardement faisait encore rage et la rue des Créneaux flambait. Ils ont certainement dû emporter un bon souvenir des procédés de la « Kultur. »

1915. Mercredi 13 janvier. — Je viens de voir le maire, M. le docteur Langlet, et lui ai proposé d’ouvrir quelques écoles pour recevoir les enfans qui courent les rues, exposant inutilement leur vie, ou fréquentent les cantonnemens. Comme le bombardement sévit presque chaque jour, ces écoles seraient, ainsi qu’à la maison Pommery, tenues dans les caves si c’est possible ; je vais procéder à une enquête.

Les jeudi 14, vendredi 15 et samedi 16 janvier, j’ai parcouru la ville et visité la plupart des caves des maisons de Champagne. Parmi celles qui sont libres, trois seulement se prêtent à l’installation d’écoles. Ce sont : les caves Pommery, Champion (place Saint-Nicaise) et Mumm (rue du Champ-de-Mars). Chez Pommery nous serons à dix mètres sous terre, par conséquent très en sécurité ; nous occuperons trois couloirs où auront lieu la classe, la récréation, les exercices physiques, car nous ne saurions négliger l’éducation physique dans une école ouverte sous le patronage du créateur du « Parc des Sports » et du « Collège d’athlètes de Reims. » Chez Champion, nous nous installerons dans le bas-cellier, laissant inoccupés les deux autres qui sont au-dessus : trois caves superposées permettront en cas de danger de s’abriter immédiatement. Ces celliers n’ont encore jamais été utilisés ; la construction n’en est même pas complètement achevée.’

De ma visite chez Mumm je devais emporter une impression qui ne s’effacera plus de ma mémoire. L’administrateur, M. Robinet, me faisait visiter divers celliers où il pensait qu’on pouvait installer une école, et qui d’ailleurs ne me parurent pas assez sûrs, en sorte que je leur préférai les caves mêmes. En parcourant ces celliers, j’eus sous les yeux un spectacle lamentable. Nous étions au début du « siège » de Reims. Beaucoup de malheureux Ardennais, descendus de Mézières et de Rethel, et de Rémois qui avaient quitté temporairement leurs