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Sur les pavés moussus, au cœur de la prairie,
Silence du portail et de la Métairie
Où plus d’une Beauté jadis en souriant
Contemplait vos retours, Bergers de Florian !




Clairs sentiers déroulés en lignes lumineuses
Sous les pas nonchalans des belles promeneuses,
Feuillages délivrés, et rameaux affranchis,
— Courtisans de l’azur sur les eaux réfléchis, —
Tièdes après-midis à l’ombre des Chaumières,
Nuits où le Temple en feu s’embrasait de lumières,
Vous fûtes autrefois les divertissemens
Qui surent enchanter ces fortunés momens.
Sous les cèdres profonds souvent s’est réunie
La plus spirituelle et vive compagnie.
En ces jours disparus où jetaient leurs éclairs
Les traits étincelans de Ligne et de Boufflers.
Après les jeux des champs, et de la Laiterie,
C’était l’heure du soir, sous un ciel de féerie,
Où le Comte d’Artois menait sur l’eau du Lac
Les grâces de Lamballe ou bien de Polignac.
A l’instant où le jour contre tant d’ombres lutte,
La basse et le hautbois, la viole, la flûte
Versaient sans se hâter dans le cœur attendri
L’élégie et les chants de Gluck et de Grétry...
Hélas ! c’est dans ces bois qu’une aurore sanglante
Surprend la Reine, et livre à la foule insolente
Sa grâce sans reproche et son cœur sans défaut,
Pour les porter soudain du trône à l’échafaud !




Soit qu’une discipline inflexible vous presse
Ou que s’offrent, changeans, vos détours à nos yeux,
Tous graves ou charmans, superbes ou joyeux,
Jardins ! je vous chéris d’une égale tendresse !

Mais vous, resplendissant et franc comme un soleil,
Vous êtes à jamais, plus qu’un autre, Versaille,
Pour mes yeux pleins d’amour et mon cœur qui tressaille,
La leçon lumineuse et le fervent conseil.