Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 40.djvu/86

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

habituel. Il y a pour les uns et les autres la différence qui existe entre un port d’escale et un port d’attache. Dans ce dernier, le navire compose son équipage et prend la majeure partie de son fret. Le port d’attache est, en quelque sorte, le domicile légal du navire. Bien souvent, au contraire, les bateaux étrangers ne passent pas vingt-quatre heures à l’intérieur de nos jetées. Quand ils jugent qu’ils ne s’y trouvent pas à l’aise, ils se hâtent de cingler vers des eaux plus hospitalières, détournant ainsi le trafic de nos rivages.

Un fait à peine croyable, c’est qu’aucun de nos ports ne soit en état de recevoir les grands paquebots modernes à toute heure de marée. Les liners français de l’Atlantique, eux-mêmes, doivent régler leur arrivée au Havre, à Saint-Nazaire, à Bordeaux, sur la hauteur des eaux, car nos ouvrages maritimes ne se sont pas adaptés en temps opportun aux dimensions des nouveaux paquebots. L’exemple du Havre est là pour le démontrer. Une première enquête pour l’agrandissement du port fut entreprise dès 1882. Le Parlement ne vota qu’en 1895 les crédits nécessaires à l’exécution d’un plan restreint qui ne répondait déjà plus aux exigences du moment. On décida donc de modifier les fondations des musoirs d’entrée et des quais de marée. Faute d’avoir vu assez grand, les travaux d’ensemble auront coûté plus cher et ne sont même pas encore achevés. On dut en 1907 adopter un second programme dont la dépense s’élèvera à 85 millions. Ce programme consiste en une emprise sur la mer de 285 hectares environ, entourée de 4 400 mètres de quai. Ces bassins eussent rendu, au cours des hostilités, d’incalculables services. Alors que le besoin s’en faisait si cruellement sentir, on se demande pourquoi les Ponts et Chaussées n’ont pas réalisé l’effort nécessaire pour couper le batardeau qui devait nous livrer l’avant-port, même s’il devait être aménagé à l’aide d’installations provisoires.

Les ouvrages du Havre ont, d’une façon générale, l’inconvénient de concerner plutôt l’accès du port, que les bassins intérieurs. Il en résulte que ces entreprises favorisent surtout le Havre en tant que port d’escale pour les bâtimens étrangers. A Saint-Nazaire le chenal de la Loire est très délicat à embouquer par suite de la présence de la barre des Charpentiers qu’on ne peut franchir qu’aux hautes eaux, et des difficultés analogues attendent les navires qui doivent remonter la Gironde jusqu’à