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la Wallonie belge et de la Martinique, — et Joséphine de Beauharnais avec M. de Buffon ! Il n’en est pas moins vrai que ma grand’mère issue d’un sang si mélangé et si voyageur, était, autant qu’on peut l’être, une femme du Haut-Pays, — et rien que cela.


Sa longue existence se déroula tout entière entre deux vieilles maisons provinciales, dans le cadre archaïque et paisible du Briey d’autrefois, — le Briey d’avant la découverte et l’exploitation du célèbre « bassin. » Elle ne sortit que deux fois de sa petite ville, d’abord pour un voyage en Alsace, puis pour un autre en Prusse rhénane. Ce dernier surtout avait fait époque dans sa vie. C’est ce qu’elle appelait, avec une intonation respectueuse, « mon voyage aux bords du Rhin. » Sa troisième grande sortie, ce fut pour s’en aller au cimetière rejoindre son mari et ses enfans dans le caveau familial. Un autre déplacement, dont elle parlait aussi, lui avait laissé des impressions très vives : un court séjour à Hattonchâtel, berceau de sa famille maternelle. Elle s’y rendit, non point pour contempler le castel de ses aïeux, — elle n’avait aucune vanité nobiliaire, — mais pour visiter des parens. Le milieu était assez pareil à celui de Briey : il ne la dépaysait point, pas plus que celui de Longuyon, de Metz et de Thionville, où elle allait fréquemment chez des amis, des alliés ou des proches.

J’ai sous les yeux une aquarelle exécutée, du temps de Louis-Philippe, par un amateur ami de notre famille, et qui représente précisément cet antique domaine de La Solle où naquit ma grand’mère. C’est un logis tout rustique d’aspect, auquel donne accès une allée charretière, bordée d’un côté par un jardin potager, de l’autre par une maison de ferme, des granges et des écuries. Le faitage du mur qui enclot le jardin est garni de fascines. Vis-à-vis, contre le mur des écuries, on a rangé un rouleau pour les semailles. Au fond, une maison sans style, couverte de tuiles, à un seul étage, mais avec d’importans greniers, peut-être des greniers à fourrage, si j’en juge par la dimension des fenêtres. Le corps de logis, qui semble fait de deux morceaux, est flanqué d’une tourelle naïve et débonnaire, plus semblable à un pigeonnier qu’à un donjon. A côté de la tourelle, on voit des perches à houblons, déposées