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pour les âmes des soldats belges et alliés [1]. Il était le seul homme qui, dans la Belgique obligatoirement silencieuse, pût libérer les âmes en libérant la sienne. Il en appelait à Dieu des crimes allemands ; il en appelait à l’épiscopat allemand des « accusations impudentes du gouvernement impérial allemand » contre les prétendues cruautés belges ; il les stigmatisait comme des calomnies [2].

Conviés à une enquête qui vengerait l’honneur belge, les évêques d’outre-Rhin se récusaient ; mais, au début de 1916, Mgr Mercier partait pour Rome. Le cardinal Hartmann, de Cologne, jaloux de l’y devancer, avait, quelques semaines plus tôt, fait là-bas un rapide voyage, que les circonstances avaient contraint d’être furtif ; il n’en avait rien rapporté qui lui parût digne d’être publié pour l’avantage de la cause allemande. Mgr Mercier succéda : de gare en gare l’Italie, patrie du droit romain, patrie du droit canon, l’acclamait au nom du droit ; il recevait les hommages du Capitole, et publiquement les agréait, comme « le salut adressé par la municipalité romaine à un peuple martyr, à un roi d’un héroïsme indéfectible. » Il voyait le Pape, les cardinaux, leur montrait ces documens dont les évêques allemands — et pour cause — avaient évité de prendre connaissance ; et le cardinal, quittant Rome, rapportait, au bas de son portrait, ces lignes du Pape : « Nous assurons notre vénéré Frère que nous sommes toujours avec lui et que nous prenons part à ses douleurs et à ses angoisses, puisque sa cause est aussi notre cause. » Une lettre pastorale parlait de son voyage ; il commentait ces lignes pontificales, déclarait ancrée dans son âme, plus profondément que jamais, la conviction naturelle et surnaturelle de la victoire finale, et mettait en lumière « un fait désormais acquis à la civilisation et à l’histoire, le triomphe moral de la Belgique [3]. »

Ce ne fut plus seulement l’imprimeur, mais le secrétaire archiépiscopal, qui fut mis en prison ; et von Bissing, écrivant à Mgr Mercier, lui demanda des comptes, sur un ton de menace. — Pourquoi mon secrétaire est-il arrêté ? Pourquoi ma correspondance violée ? riposta hautement le cardinal. Et de nouveau l’arrogance allemande grinça, mais s’intimida, et le

  1. Mercier, Per crucem ad lucem, p. 124, 142, 173.
  2. Ibid., p. 177-201.
  3. Ibid., p. 206 et 210.