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contrainte, aux sentimens pacifiques, aux espérances d’accord, aux désirs d’union, et de mettre en commun leurs dévouemens. »


Oubliez aujourd’hui, leur dit-il, vos préférences religieuses, politiques, sociales, professionnelles, pour vous souvenir que vous êtes mes frères, que je suis le vôtre, que nous avons tous au cœur une même flamme d’apostolat pour nos frères qui gisent sur la voie de la souffrance, rongés par les morsures du breuvage alcoolique [1].

Il veut que rien de ce qui est humain ne demeure étranger à l’Eglise ; il salue, comme issues, sans parfois le savoir, de la pensée chrétienne, toutes les initiatives sociales par lesquelles s’organise l’amour du prochain. Et parce que notre époque multiplie ces initiatives il a foi en elle, et il l’aime, et il se demande si elle ne vaut pas toutes les autres ; car, en définitive, « qu’est-ce qui compte ? Les actes de charité, ce qui se passe invisiblement au dedans des âmes, la vie d’amour pour Dieu, la vie d’union pour nos frères [2]. » La dialectique même, — cette dialectique qui fit sa première gloire, — est à ses yeux dépassée par la force probante de l’amour :


Lisez l’Évangile, le récit des Actes des Apôtres, les lettres de saint Paul, et vous serez, je crois, étonnés de la part minime faite par ces grands convertisseurs à l’attaque directe du mal, à l’offensive contre l’impiété. Leurs paroles sont presque toutes des paroles d’amour [3].


Et les œuvres pastorales du cardinal, à l’imitation de ces écrits apostoliques, sont tout imprégnées d’amour.


VII

De Louvain à Malines, son influence allait croissant.

Il avait, à Louvain, formé toute une génération de catholiques, qui peu à peu, grâce à lui, apportaient sur la scène politique, non plus seulement des opinions héréditaires, mais une doctrine et des faits, et non plus seulement des tendances, mais une conception philosophique de l’Etat et un bagage d’expériences sociales. Il avait ainsi vivifié d’une sève nouvelle le seul gouvernement européen qui fût officiellement catholique.

  1. Mercier, Œuvres pastorales, II, p. 144.
  2. Ibid., II, p. 70.
  3. Ibid., III, p. 69.