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Tous les mots ici portent, et ils soulagent, comme une revanche de la justice. Dans le diocèse du cardinal, cet intégrisme n’eut jamais qu’à se taire ; Mgr Mercier donna l’ordre de célébrer le centenaire de Montalembert, il y présida, il y parla, sans souci de ce que penseraient, où qu’ils se trouvassent, les chicaneurs de cette grande gloire.

Il prêche aux catholiques l’indulgence réciproque ; il leur prêche, aussi, l’indulgence pour ceux qui ne sont pas de l’Église. Explique-t-il que la libre pensée athée est incapable de sauvegarder la moralité et qu’elle a perdu ses titres à la répression du crime, il se hâte d’ajouter :


J’ai visé des doctrines, et me défends de juger ceux qui en sont imbus ou les préconisent. L’homme qui s’égare vaut toujours mieux que ses principes, parce qu’il y a dans la conscience un frein naturel qui empêche l’homme d’aller jusqu’au bout de la logique de son erreur. Par contre, le disciple de la vérité est toujours inférieur à son programme, parce qu’il y a dans le cœur de l’homme des convoitises mauvaises qui, si elles ne sont combattues, paralysent la volonté et la retiennent au-dessous de l’idéal auquel elle aspire[1].


Phrases riches de sens, qui sont contre le pharisaïsme un antidote d’élite. Le cardinal sait être cordial pour les hommes du dehors. N’aimant pour l’Église ni l’effacement, ni la bouderie, il s’en va parler, en 1907, aux côtés de M. Paul Janson, le tribun radical, dans une assemblée générale d’œuvres.


Quel charme, s’écrie t-il, dans le sentiment de confraternité que me procure mon assistance à cette assemblée ! Aujourd’hui que l’unité des croyances chrétiennes est rompue, il est si rare de se rencontrer avec ceux qui ne croient plus ou n’ont plus la même foi, sur un terrain de cordiale entente ! Cette unité, j’ai confiance qu’elle se reformera un jour : je ne sais quand ni comment ; mais à en juger par l’universalité de l’intérêt qui se manifeste pour les classes ouvrières, il me paraît qu’elle prendra son point de départ dans un sentiment de miséricorde pour les douleurs humaines et dans un commun désir de les soulager[2].

Un an plus tard, donnant à Liège une conférence contre l’alcoolisme, il supplie son auditoire très bigarré, catholiques et non-catholiques, de « se laisser aller au moins une fois, sans

  1. Mercier, Œuvres pastorales, III, p. 343.
  2. Ibid., I, p. 274.