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l’activité de l’esprit ; » mais il maintenait, « après examen, qu’il y a sagesse autant que modestie à la prendre au moins pour point de départ et pour point d’appui [1]. » Il confrontait avec elle le vieux spiritualisme classique, celui dont Descartes fut le père : il y relevait un « préjugé antiscientifique, » qui opposait la psychologie à la physique, et qui étudiait à part l’âme et le corps sans jamais envisager leur union ; et il montrait comment cette erreur primordiale voila toujours aux spiritualistes du XIXe siècle les problèmes soulevés par les progrès de la biologie, et comment les hommes de laboratoire furent ainsi conduits, tout doucement, à une interprétation matérialiste de la vie psychique [2]. La scolastique, au contraire, possédait à la fois un corps de doctrines systématisé et des cadres assez larges pour accueillir et synthétiser les résultats croissans des sciences d’observation.

Louvain convoquait ces sciences, les outillait ; et Mgr Mercier, s’adressant aux jeunes chercheurs, leur disait :


Ne soyons pas de ceux qui, à propos de ces mille et un petit faits bien précis dont l’étude patiente et minutieuse fait la force et l’honneur de la science contemporaine, ne songent jamais qu’à se demander avec un dédain mal dissimulé : A quoi cela sert-il ? Rien de plus antiscientifique que cette préoccupation intéressée. Les faits sont des faits ; et il suffit qu’ils soient, pour qu’ils méritent d’être étudiés. D’ailleurs, s’ils ne servent pas aujourd’hui, ils serviront demain : ce sont des matériaux destinés à entrer dans les synthèses plus compréhensives de l’avenir [3].


Ainsi faisait-on provision de résultats : les petits-neveux, plus tard, devraient à notre époque cette richesse, et s’en serviraient pour la synthèse, — d’accord avec l’aïeul, saint Thomas. Les laboratoires s’enrichissaient, créaient leur outillage, parfois, en même temps que leur science : celui de psychophysiologie devenait célèbre [4]... Plus tard la Kultur est survenue, détruisant par les flammes une partie de ces œuvres de science. L’Université de Louvain, qui avait été la première à condamner

  1. Mercier, Logique, 5e éd. p. 48, n. 1. Comparer le livre capital de son élève M. de Wulf, dont les malheurs de Louvain ont fait un professeur à l’Université de Poitiers : Introduction à la philosophie néo-scolastique, 1904.
  2. Ibid., Psychologie, 6e éd. I, p. 1 et 6-7, et II, p. 271.
  3. Ibid., Psychologie, 6e éd. I, p. 2.
  4. La notice de M. le chanoine Noël dans la Chronique de l’Institut de philosophie, janvier 1914, sur « le bilan de l’école de Louvain, » donne un lumineux résumé de tout ce que fit l’Institut jusqu’à la veille de l’attentat germanique.