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historiques du regretté physicien Duhem n’eussent vengé la culture scientifique des scolastiques du mépris où la tenait l’ignorant XVIIIe siècle [1], Léon XIII rendait à cette culture un hommage. Le professeur Mercier, appelé brusquement à l’héritage de ces vieux maîtres, trouvait dans cet hommage une leçon pour lui-même, et concluait, sans ambages ni délais, à la nécessité d’élargir constamment ses connaissances scientifiques,

Charcot, vers cette époque, compta quelque temps parmi ses étudians un docteur Mercier : il n’était autre que le futur cardinal. On le retrouvait bientôt à Louvain : libéré de la barbe qu’à Paris il avait laissé pousser, il emprisonnait pour toujours dans un tiroir les deux aigles qui lui servaient d’épingle de cravate au temps où il suivait Charcot ; il redevenait le grand abbé ; et sous cet habit, le seul qu’il aimât, il était alternativement professeur et étudiant. Être professeur, et professeur par le vouloir d’un Pape, c’était flatteur ; mais allait-il avoir des élèves ? Les étudians entendaient dire « que le nouvel enseignement serait quelque chose comme un cours d’archéologie, l’exhumation, respectueuse d’ailleurs, de théories, intéressantes peut-être, mais si vieilles, et qui d’aventure plaisaient au Pape régnant [2]. » Ils eurent la curiosité d’aller voir, et puis ils revinrent et restèrent ; et le futur cardinal déroulait, devant un auditoire composé surtout de laïcs, une psychologie, une logique, une critériologie, une ontologie, qui devaient plus tard paraître en volumes. « Ce qui frappait et nous séduisait en lui, expliquait naguère un de ses meilleurs élèves,


...c’était l’intense vérité personnelle de ce qu’il faisait et de ce qu’il disait. Rien de conventionnel, rien d’apprêté, rien de guindé, mais la communication, toujours libre et spontanée, de sa vie la plus intime, de ses sentimens les plus vrais, de ses pensées les plus sincères, telle était la méthode constante de son enseignement et de sa direction. Pour se livrer sans voiles, il faut être, sinon parfait, du moins exempt de ces faiblesses qui déconsidèrent et qui ruinent toute autorité ; il faut avoir la pensée scrupuleusement droite, il faut être exempt de toute servitude et de tout amour-propre, il faut avoir l’âme jeune et fraîche, dévouée sans réserve, prête à s’oublier toujours et à se donner sans compter. Il avait en lui cette jeunesse, ce dévouement, cette

  1. Voir dans la Revue du 15 juillet 1913 l’article de M. Albert Dufourcq.
  2. Toast de S. Deploige au banquet de consécration épiscopale de Mgr Mercier, p. 7.